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Le Présage, ce restaurant propulsé au soleil et imaginé par Pierre-André Aubert, est un concept qui ne peut laisser indifférent. D’abord en couveuse, puis testé en version mobile, et enfin en phase d’expérimentation durant deux saisons sur un terrain situé à Aubagne, Le Présage a déjà conquis le cœur, et le palais, de nombreux Marseillais.
A présent que le concept écologique et sa viabilité économique ont été démontrés et validés, Pierre-André et son équipe, soutenus par une communauté soudée et enthousiaste, ouvrent à présent un nouveau chapitre de leur Histoire, avec pour horizon le printemps 2019, date prévue de l’ouverture du restaurant « Le Présage » dans sa version pérenne.
Nous avons voulu en savoir plus sur les motivations de ce cuisinier pas comme les autres : rencontre avec Pierre – André Aubert.
Comment passe-t-on d’ingénieur en constructions aéronautiques à cuisiner ?
J’ai eu envie de me réorienter, pour trouver un métier qui me donnerait pleine satisfaction au quotidien.
J’ai choisi la cuisine pour plusieurs raisons : d’abord pour son côté manuel, mais aussi parce que le bien et le mieux manger m’ont toujours intéressés. J’ai été sensibilisé aux bons produits depuis le plus jeune âge, avec une mère qui prenait plaisir à cuisiner pour nous des produits locaux, achetés chez des petits producteurs. J’ai obtenu mon CAP de cuisine, et mis mes connaissances et mon envie au service de concepts culinaires très variés (La Chassagnette, Le Cours en Vert, Le Charles Livon, Le Café des Jardiniers ou encore Koldo Miranda), ce qui m’a permis de confirmer mon choix et mon désir d’évoluer dans ce métier.
Comment est née l’idée de créer un restaurant propulsé au soleil ?
Plus qu’une idée, c’est un long processus qui m’a conduit à imaginer et à créer ce concept.
J’avais depuis longtemps l’envie de travailler avec des produits locaux et de saison, et, pour aller un pas plus loin, je me suis demandé s’il était possible de disposer d’une énergie qui serait, elle aussi, locale et de saison pour propulser mon restaurant. Etant originaire de Marseille, j’ai immédiatement pensé à l’énergie solaire, car elle est chez nous relativement abondante ! Après quelques recherches, j’ai fait le constat que l’outil dont j’avais besoin n’existait pas. Par envie, mais aussi par possibilité, j’ai décidé de le développer, avec l’aide de personnes qui m’ont permises de mener ce projet à bien. Tout doucement, mon idée s’est affinée, et ma vision s’est élargie, pour englober non plus seulement la source d’énergie mais aussi l’ensemble des flux que l’on pourrait intégrer au sein du restaurant : jardin comestible, station d’épuration, biogaz… C’est ainsi que le concept « Le Présage » est né.
Le Presage_Aubagne from David Farge_RIMEs on Vimeo.
Quelle cuisine proposez-vous ?
Une cuisine aux accents du sud, riche en aromates, et plutôt proche de l’univers « bistronomique ». C’est une cuisine digne d’une bonne brasserie, mais d’une brasserie réinventée à notre façon. Nous proposons des cuissons minute, pour sublimer les produits, pour la plupart issus d’une agriculture bio. Et notre carte est volontairement courte : l’idée étant de pouvoir la renouveler au grès de nos approvisionnements.
Comment fonctionne votre fourneau propulsé à énergie solaire ?
Il se compose de deux parties. Pour la première, nous avons travaillé avec une société allemande qui développe et commercialise des miroirs concentrateurs de lumière à destination de la cuisine collective. La deuxième partie que nous avons développé en interne est un fourneau plus adapté à la pratique de la cuisine traditionnelle, une cuisine « à la française ». C’est en quelques sortes l’équivalent d’une plaque coup de feu, qui nous permet de faire 25 couverts jour environ. Pour compléter ces 2 parties et disposer d’un outil de travail vraiment optimal, nous travaillons actuellement à l’ajout d’un four statique, qui viendra se positionner sous la plaque.
Comment gérez-vous l’absence de soleil ?
Nous transformons nos déchets organiques en biogaz, par un procédé de « méthanisation » : dans une cuve, nous mettons nos épluchures et nos restes à fermenter avec l’utilisation de bactéries, ce qui permet de produire du méthane, du gaz de ville. Pour vous donner un ordre de grandeur, nous avons constaté que l’équivalent des déchets de 15 couverts nous procurait une ½ heure de gaz pour le jour suivant. En plus de nous offrir un appoint en énergie pour les jours où le soleil est absent ou pour les jours où il n’apparait que tardivement, cela nous permet de valoriser nos déchets. Tout cela va dans le sens de notre philosophie : « faire avec ».
Vous décrivez « Le Présage » comme un restaurant solaire, mais n’est-il pas plus que ça : un restaurant engagé, citoyen, écolo, responsable ?
Nous aimons utiliser le terme d’énergies indigènes, qui reflète bien notre philosophie du « faire avec« , c’est-à-dire faire avec ce que l’on trouve sur le site d’implantation. Cela est valable à la fois pour les énergies mais aussi pour nos sources d’approvisionnement, locales et de saison. Notre objectif est véritablement de pouvoir intégrer l’ensemble des flux dont un restaurant a besoin à l’intérieur d’un même site. C’est pourquoi, dans notre version pérenne qui ouvrira au printemps 2019, nous allons également intégrer un jardin comestible, du bio-gaz, ou encore une station de phyto-épuration, grâce à laquelle nous pourrons valoriser et recycler les eaux grises du restaurant.
Visez-vous une forme d’autosuffisance ?
Non, ce n’est pas notre raison d’être. L’ADN du projet, c’est de viser l’abondance, et avec l’expérience, on s’aperçoit qu’en effet, lorsqu’on a l’abondance, on obtient une forme d’autonomie.
Entre mai et septembre 2017, vous avez ouvert une version expérimentale de votre restaurant. Quels enseignements gardez-vous de ces 5 mois ?
C’était une belle réussite, à tous points de vue !
D’abord, sur le plan énergétique : au total, pour servir les 1200 couverts ainsi que les 600 portions de dégustation au temps de l’apéro, nous n’avons utilisé le gaz commercial que durant 2 heures seulement !
Ensuite, au point de vue économique : nous avons réussi à atteindre l’équilibre, avec des ratios similaires à ceux de la profession… Une façon de prouver que notre histoire un peu folle est bien ancrée dans des réalités économiques.
Aussi sur le plan communication, nous sommes parvenus à faire parler de notre projet, à élargir le champ des possibles, et à diversifier le profil de notre clientèle, de personnes proches de nos sensibilités écologiques à de simples curieux ou amateurs de bonne cuisine.
Enfin, l’un de nos objectifs à l’issu de cette expérimentation était de trouver l’emplacement idéal pour installer la version pérenne du restaurant. C’est aujourd’hui chose faite ! Nous ne pouvons pas encore dévoiler l’adresse car nous en sommes en cours de signature, mais le lieu répond à tous nos besoins, que ce soit en termes d’espace, d’attractivité ou de relations avec le territoire.
Après cette version expérimentale, vous travaillez actuellement à la version pérenne du restaurant. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous visons une ouverture pour le 01/04/2019. Pour y parvenir, nous avons construit un planning de toutes les étapes à suivre, à la fois au point de vue juridique, administratif et financier, qu’au point de vue de la construction et de l’aménagement des lieux. Tout cela représente un travail énorme, mais nous avons l’ambition, l’envie et l’énergie nécessaires, sans compter sur tout le soutien de notre communauté qui s’est créé et fédérée autour du projet depuis nos débuts, il y a maintenant deux ans.
Fin juin 2018 sera déjà une étape clé, une date à laquelle nous serons normalement en mesure de remettre à la banque l’ensemble des documents nécessaires à la mise en route opérationnelle du projet : compromis signé, dépôt de permis validé, et la preuve de la levée de fonds auprès d’investisseurs privés.
Que va devenir le cuisinier que vous êtes d’ici à l’horizon 2019 ?
Je vais évidemment devoir lâcher un peu les fourneaux, mais pas pour les abandonner complètement !
Je prévois en effet de cuisiner de façon événementielle, que ce soit à domicile ou sur des événements ponctuels avec la cuisine solaire. Nous allons également monter une association avec d’autres cuisiniers et des fabricants d’ustensiles de cuisine solaire (type barbecue) pour proposer une cuisine solaire de rue. Aussi, pour entretenir les liens, nous inviterons notre communauté à nous rejoindre de temps en temps, en allant par exemple ramasser des aromates que nous cuisinerons ensemble dans une grande gamelle conviviale et festive. Nous prévoyons également de préparer des conserves et de la fermentation, qui nous servirons de base au moment de l’ouverture.
« Le Présage » va donc continuer de vivre et d’exister. Nous raconterons notre Histoire sur notre page Facebook ou notre site Internet, lors des rendez-vous événementiels ou professionnels, et au cours de toutes les opportunités qui s’offriront à nous. S’il y a bien une chose que j’ai apprise depuis les débuts du projet, c’est que c’est en faisant que les choses se passent !
Une récompense comme le prix de l’entreprise responsable 2017 est-elle justement pour vous l’occasion de raconter votre Histoire ?
Oui, cela permet de mettre un coup de projecteur sur notre projet et de nous faire connaitre à plus grande échelle. Actuellement, nous sommes également en lice pour le concours my positive impact, qui a pour but de valoriser des solutions « bonnes pour le climat ». Même si nous avons peu de chances de le remporter, dans la mesure où nous n’avons pas mené une grosse campagne de communication pour réunir le plus de votes possibles, c’est pour nous l’occasion de nous rapprocher d’acteurs comme l’ADEME, partenaire du concours. Jusqu’ici, nous étions trop petits ou pas assez « installés » pour attirer et retenir leur attention : un concours comme #MyPositiveImpact permet de créer de l’ouverture et de générer des opportunités de partenariat dont nous avons besoin pour nous développer.
Votre restaurant porte un nom chargé de sens. Quelle vision d’avenir porte-t-il ?
D’abord, « Le Présage » est un clin d’œil à un légume qui m’est cher, puisque c’est l’anagramme du mot « asperge », d’où notre logo. Plus symboliquement, l’asperge, et notamment l’asperge sauvage que j’aime cuisiner, est un légume qui ne pousse que durant quelques semaines, au début du printemps, après les premières pluies. C’est donc un légume rare, qui représente assez bien l’idée du « luxe » tel que nous cherchons à le redéfinir. Le luxe, aujourd’hui, ce ne sont plus les langoustes ou le caviar, mais les produits locaux et de saison que l’on peut trouver près de chez soi, à condition d’avoir accès à une nature préservée et en bonne santé, et que l’on ne peut déguster qu’au prix d’un effort. Une omelette aux asperges sauvages peut par exemple s’apparenter à un plat « paysan » dans le sens simple et authentique, pourtant, c’est un met délicat et rare, donc luxueux.
« Le Présage » porte aussi une vision d’anticipation : « comment ferions-nous demain si nous n’avions plus de pétrole, de gaz, ou de transport… » ? Cette réflexion est à l’origine même du projet. Il ne s’agit pas d’une vision noire de la société, mais d’une vision d’anticipation sur les modes de restauration futurs. C’est aussi ça le sens du nom « Le Présage ».
Les produit, les saisons, les énergies indigènes… Finalement, les modes de restauration futurs ne consisteraient-ils pas en l’art et la manière de revenir à la base, à des choses essentielles ?
Oui, en quelques sortes… Nous avons certes développé des technologies telles que le miroir incurvé, mais nous nous sommes surtout inspirés de l’existant, en assemblant des briques qui, pour certaines, sont relativement vieilles. On retrouve par exemple la trace de miroirs qui concentrent la lumière jusque dans la mythologie ! A un moment donné, nous avions d’ailleurs évoqué l’idée de « rétro-futurisme » pour qualifier notre projet.
Anticiper le monde de demain et s’inspirer de ce qui a toujours été, pour proposer, aujourd’hui, une cuisine savoureuse et respectueuse de l’environnement, et faire passer un bon moment à nos convives… voilà notre objectif principal.
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