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C’est au numéro 29 de la rue Mazarine, dans le 6° arrondissement de Paris, que Jean-Baptiste Meusnier a ouvert avec son épouse Fleur un restaurant Japonais vraiment pas comme les autres.
Une cuisine authentique, un décor immersif loin des stéréotypes, Kodawari Ramen est bien plus qu’un restaurant de ramen, mais une invitation au voyage, direction Tokyo.
Comment avez-vous découvert les ramen ?
Dans les années 90, j’allais régulièrement dans les restaurants de la rue Sainte-Anne à Paris. J’y ai découvert la cuisine kaiseki traditionnelle, celle des sushis, qui commençaient à exploser en Europe, mais aussi une cuisine de rue, une cuisine populaire qui m’a tout de suite séduit. C’est là que j’ai goûté mes premiers ramen, et c’est au travers de ces expériences culinaires que j’ai compris à quel point la cuisine Japonaise était diversifiée.
Comment est née votre passion pour ce plat populaire ?
Avant de me lancer dans la restauration, j’étais pilote de ligne, un métier qui m’a donné l’occasion de voyager, notamment au Japon, un pays qui me fascinait depuis toujours. Lors de mon premier voyage en 2009, je me suis précipité dans un restaurant de ramen à Shibuya : ça a été un choc, une révélation ! J’ai redécouvert ce plat que je mangeais depuis des années à Paris. Je me suis pris une véritable « claque », qui ne m’a depuis plus jamais quittée.
De pilote d’avion à restaurateur : comment avez-vous réussi votre reconversion ?
Je me suis toujours dit que si un jour, je devais me reconvertir, je ferais des ramen, pour partager avec les français cette émotion que j’avais eue en 2009. Après ce premier voyage, d’autres ont suivi, et chaque nouveau plat que je mangeais était encore meilleur que le précédent, s’éloignant un peu de ce que j’avais connu à Paris.
Chaque escale et chaque jour off était l’occasion pour moi d’aller me plonger un peu plus dans cette culture. J’ai exploré le Japon, j’ai rencontré beaucoup de monde, j’ai savouré de nombreuses recettes dans des endroits parfois très reculés…J’ai même pris des cours dans quatre écoles de cuisine de ramen différentes, et j’ai aussi eu l’opportunité de travailler dans un restaurant. Au bout de 15 voyages et plus de 10 000 kms parcourus, je me suis rendu compte que ma passion pour les ramen était en train de prendre le pas sur ma vie. Alors il y a un peu plus de 3 ans, je me suis dit « Fonce ! » : j’ai sauté le pas, et quitté l’aviation pour la restauration.
Qu’est ce qui différenciait les ramens dégustés au Japon de ceux que vous aviez goûté dans les restaurants de la rue Sainte Anne ?
Deux éléments clés ont contribué à me donner cette fameuse « claque » et cette émotion dont je me souviens encore aujourd’hui. L’utilisation de produits largement supérieurs d’une part, et d’autre part, un travail énorme sur ce qui est l’Essentiel dans la cuisine Japonaise, et encore plus dans les ramen : l’UMAMI. L’umami c’est le 5ème goût au Japon, l’art d’extraire de certains produits séchés, fermentés ou maturés ce bon goût caractéristique qui donne du goût à un plat. Un ramen, c’est un concentré d’umami, une force et une puissance de goût mise dans un simple bol.
Et puis il y a un autre élément important que j’ai mis du temps à comprendre : dans le ramen, les nouilles sont bien plus qu’un simple accompagnement, mais l’élément principal. Elles servent à absorber le bouillon, à apporter le parfum et les arômes du blé tout autant qu’une texture, à la fois résistante et caoutchouteuse.
Autant de complexité et d’excellence mises dans un simple bol : voilà la véritable différence, et ce qui fait de ce plat populaire un plat quasi gastronomique.
Le ramen permet-il une grande créativité ?
Oui, tout à fait. La plupart de la cuisine japonaise est régie par des codes stricts, mais le ramen fait exception. Comme il y a une compétition permanente entre chefs et restaurants, il est important de se réinventer. Chez Kodawari Ramen, nous essayons d’incarner cette façon de faire, en faisant évoluer nos recettes, en les perfectionnant et en les améliorant sans cesse. Notre ambition est de repousser les limites du ramen. Récemment, j’ai par exemple élaboré une recette de ramen végétérien. Normalement, la viande est très présente dans ce plat populaire, mais j’ai voulu me lancer un défi, en apportant le goût et la puissance caractéristiques du ramen par d’autres ingrédients. La culture du ramen est en perpétuelle évolution, c’est un univers qui bouge, et c’est ce qui le rend si fascinant.
Peut-on parler de « communauté du ramen » ?
Oui, il y a une véritable communauté fédérée autour de ce plat de rue, des sortes de « geeks » du ramen, qui vivent pour et à travers ça : des bloggeurs, des You tubeurs, des développeurs d’appli dédiées… Il y a au Japon de nombreuses compétitions de ramen, mais toujours dans un esprit sain et positif, qui pousse à l’excellence et au dépassement. Chez Kodawari Ramen, nous essayons donc de transmettre un peu de cette culture, de cette passion et de cette folie. Nous essayons d’être des ambassadeurs de ce plat, et de parler des valeurs qui le caractérisent. Aussi, tous ces « ramen addict » dont nous faisons partie veulent épargner à ce plat ce qui a été fait aux sushis, laissés à l’abandon de quelques groupes et industriels au point qu’aujourd’hui, la qualité et l’authenticité ne sont plus au rendez-vous. A notre échelle, nous voulons raconter aux français ce qu’est un vrai ramen, et leur montrer que ça vaut vraiment le coup de rendre ce plat de rue noble.
Que viennent chercher vos clients ?
Le Japon ! La plupart de nos clients ont un lien avec le Japon, ou un réel intérêt pour ce pays. Pour les faire voyager, nous avons « décroché un bout du Japon » : un pari réussi… Moi-même, je dois dire qu’avec trois sakés et quelques copains Japonais, je m’y croirais presque (rires). Le temps d’un repas, nos convives se retrouvent plongés au cœur d’une ruelle Tokyoïte, d’où nous avons rapporté des lampions, des plaques d’égout ou encore des caisses de bière qui composent notre décor. Il y a aussi toutes les photos que j’ai pu prendre au cours de mes voyages et qui racontent un bout de mon histoire et de ma passion. Nous avons donc réuni un patchwork de différents éléments au sein d’un même endroit, que des décorateurs de cinéma ont ensuite assemblés pour créer une scène typique de la vie Japonaise, loin des stéréotypes.
Nos plats, les odeurs et les parfums qui s’en dégagent, participent aussi à créer une expérience immersive. Nous avons en effet tenu à ne pas adapter les goûts, à ne pas les modifier, afin de retranscrire le Japon authentique. Dans l’un de nos plats, il y a par exemple une infusion de sardine séchée dans un bouillon de poule : c’est un vrai goût Japonais, qui peut en rebuter certains à la lecture, mais qui est gustativement très bon. Cela participe faire connaitre et à faire vivre le Japon à nos hôtes.
En novembre dernier, vous avez remporté la palme d’or de la restauration 2017, décernée par le Leaders Club France. Que signifie pour vous une telle récompense ?
Plus qu’une victoire personnelle, c’est la victoire de la culture des ramen au pays du vin, du fromage et des chefs étoilés !
Au travers de ce prix, ce sont aussi nos valeurs qui l’emportent. Kodawari Ramen est un projet sincère. Une sincérité que nous mettons dans nos produits, dans notre façon de les travailler tout comme dans l’authenticité de nos recettes.
Enfin, se voir attribuer la palme d’or par des professionnels de la restauration est une manière de valoriser ce pari un peu fou et audacieux que je me suis lancé il y a un peu plus de trois : proposer un concept de slow food gastronomique, servie comme dans un fast-food, le tout dans un lieu qui, plus que d’évoquer le Japon, recrée le Japon en plein Paris.
Pour 12€, les clients profitent non seulement d’un plat authentique, mais aussi d’un lieu immersif, à mi-chemin entre le musée et le parc d’attraction. C’est tout cela qui a été récompensé au Leaders Club le 13 novembre dernier.
« Kodawari » signifie « soucieux du détail » en Japonais. Est-ce dans cet esprit que vous avez tenu à cultiver votre propre blé ?
Oui, en effet, et même si à l’échelle d’un restaurant, c’est une véritable « galère », c’est un investissement important pour l’avenir de Kodawari. Cela me permet d’abord de disposer d’un produit adapté à la cuisine des ramen, un produit de haute qualité que nous ne trouvions pas sur le marché français. Sur le plan économique, c’était aussi plus rentable que d’importer de la farine du Japon.
Cela me permet aussi d’aller dans le sens de mon ambition : être le maillon d’une chaîne qui permet aux gens de mieux comprendre la culture du japon. Enfin, c’est aussi un excellent moyen de communication, une autre façon de montrer à quel point nous sommes concentrés sur la qualité.
Quels outils de communication privilégiez-vous ?
Nous utilisons quasi exclusivement les réseaux sociaux. Contrairement aux médias traditionnels, nous y sommes libres d’interagir avec nos clients, au moment où nous le souhaitons et avec le ton qui nous convient.
Fin novembre dernier, j’ai par exemple publié une photo sur laquelle on peut voir notre champ de blé, avec un message simple et court « Une photo prise ce matin de vos futurs Ramen. Ça pousse dans les Ardennes. Moisson prévue en juillet. » Elle a déclenché des centaines de réactions et de commentaires en tous genres ! Sur les réseaux comme Facebook, j’apprécie le fait de pouvoir rester moi-même, et de pouvoir utiliser un ton détendu, sans avoir la connotation « pub » des médias traditionnels. Grâce à ces outils de communication, nous parvenons à créer du lien et à rester maître de notre image : c’est essentiel !
Vous avez de nombreux commentaires positifs sur les sites d’avis en ligne, mais certains pointent du doigt une longue attente. Pourquoi ne pas proposer un service de réservation en ligne ?
D’abord, je précise que je ne retire évidemment aucune satisfaction au fait que les clients attendent. Pour autant, nous ne proposons pas de service de réservation, et ce pour deux raisons.
La qualité que nous mettons dans nos ramen a un coût : un bouillon à base de poule fermière, du porc en provenance de la ferme basque d’Abatia ou encore une farine de blé sur mesure… Le tout pour une dizaine d’euros. La seule façon de pouvoir continuer à proposer ce niveau de qualité à ce prix-là est de jouer sur le nombre. Nous servons actuellement entre 400 et 450 repas par jour. Si nous devions gérer 200 ou 300 réservations quotidiennes, cela aurait un impact énorme sur notre chiffre d’affaire, ce qui nous obligerait à rogner sur la qualité.
L’autre raison tient à la culture même des ramen. Lors de mon dernier voyage au Japon, j’ai attendu 1h50 pour manger un ramen, que j’ai dégusté en 6 minutes ! Bien sûr que je n’aime pas attendre, mais cela fait partie intégrante de cette culture : être avec son appli de ramen, se déplacer dans un restaurant pour tester une nouvelle recette, attendre… ce sont les règles du jeu, et ceux qui le pratiquent savent qu’il y a à la clé un plat délicieux, pour une dizaine d’euros seulement !
A l’heure où le marché de la livraison de repas explose, pourquoi ne pas proposer un service de livraison à domicile ?
Pour trois raisons. D’abord, parce que cela n’irait pas dans le sens de la qualité. Si nous séparons les nouilles du bouillon, elles collent. Si on les laisse dans le bouillon, elles continuent de cuire. Je ne veux pas me donner autant de mal à faire pousser mon blé pour un tel résultat ! Ensuite, je suis de ceux qui pensent qu’un restaurant est avant tout un lieu de vie, et pas simplement un lieu de production de nourriture. Je tiens à ce que Kodawari Ramen soit plus qu’un simple restaurant, mais un lieu où l’on vient vivre une expérience immersive complète. Enfin, payer 30% de commission à une entreprise qui propose de la livraison est pour moi un non-sens, une façon de faire mourir une économie. Aucun restaurateur, à moins d’être dimensionné pour et d’avoir une cuisine centrale dédiée à cet effet, ne peut se vanter je pense de faire 30% de marge nette à la fin de l’année sur son restaurant…
Comment voyez-vous la suite de l’aventure Kodawari Ramen ?
D’abord par l’ouverture de notre deuxième point de vente prévue à Paris, Rive Droite. Pour l’instant, je souhaite développer Kodawari Ramen en nom propre, de façon à maîtriser les valeurs et les techniques si particulières à notre concept, et à ne pas être « corrompu » par des influences extérieures. L’objectif pour cette deuxième adresse reste le même : faire voyager nos clients. Pour ce faire, nous allons raconter une scène différente de celle du premier restaurant, mais toujours avec la même sincérité et le même souci du détail. En fil rouge, une même recette, mais pour le reste, nous adapterons les plats selon l’atmosphère des lieux.
Ensuite, j’ai à cœur de continuer à diffuser cette culture des ramen, à la porter et à la transmettre au plus grand nombre. Récemment, France 5 est venu tourner un reportage chez nous pour l’émission La Quotidienne. J’ai aussi eu l’opportunité de préparer une recette de ramen maison sur leur plateau. Réussir à faire entrer la culture des ramen dans les foyers français, à raconter leur histoire et à montrer à quel point ce plat populaire peut être noble… voilà un défi qui va m’animer pendant longtemps encore !
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