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Vous avez cofondé iKentoo en 2011 en réponse à un « énorme retard dans le numérique de la part des acteurs de l’hôtellerie et de la restauration » . Sept ans plus tard, comment les choses ont-elles évolué ?
Je tiens d’abord à dire qu’au vu de l’activité qu’il y a aujourd’hui autour du secteur de la Food Tech, on se dit David et moi qu’on a bien fait de se lancer à cette époque-là et que notre analyse du marché, d’un point de vue technique, était juste et cohérente. Aujourd’hui, le marché français se porte bien et les restaurateurs français sont très ouverts à la technologie. Bien sûr, la nouvelle réglementation en matière de caisse enregistreuse a donné à certains un petit coup de pouce, les obligeant à changer ou à mettre à jour leurs systèmes, mais malgré tout, la France est plutôt en avance comparé à ses voisins européens. D’autres marchés, comme l’Asie ou l’Afrique du Sud, sont aussi plus en avance, alors à l’échelle mondiale, je dirais que c’est un marché « in the middle », concurrentiel mais encore loin d’être saturé.
Qu’est-ce qui vous a motivé et donné l’idée de créer iKentoo ?
Notre première réflexion était de se dire qu’il était vraiment dommage que les restaurateurs soient contraints de payer cher pour qu’une personne vienne reprogrammer régulièrement des lignes de prix ou de produits. A l’heure où Internet et les web browser existaient déjà, on trouvait même ça complètement fou ! Au départ, on avait imaginé utiliser les smartphones, et puis les tablettes sont arrivées. On a su tout de suite qu’elles seraient un support idéal pour notre solution, du fait notamment de leur taille d’écran, plus adaptée à un usage professionnel. L’iPad s’est imposé à nous pour plusieurs raisons. C’est un appareil solide, fiable et de qualité que l’on trouve facilement dans différents commerces, et qu’un acteur comme Apple est capable de fournir et de livrer en millions d’unités. Apporter un outil moderne, simple à utiliser, au design esthétique et épuré et qui n’occupe pas trop d’espace au sein des établissements, c’est une idée qui nous a semblé séduisante. On voulait de plus proposer une solution qui soit financièrement attractive mais aussi évolutive, capable de grandir avec les besoins du restaurateur.
Une solution financièrement attractive, évolutive, facile à prendre en mains et qui occupe moins d’espace au comptoir… Avez-vous néanmoins ressenti un certain frein psychologique à l’idée de faire basculer les caisses des restaurateurs sur tablette ou smartphone ?
Ceux qui sont habitués à utiliser une caisse classique peuvent parfois exprimer une certaine crainte à l’idée de prendre l’outil en mains eux-mêmes, mais cette barrière psychologique tombe rapidement, une fois qu’ils voient à quel point c’est facile d’utilisation. Et puis, chez iKentoo, nous regardons surtout la nouvelle génération, ces jeunes entrepreneurs qui sont nés avec un iPhone dans les mains et pour qui il est totalement naturel d’avoir un contrôle complet de la solution.
Qu’est ce qui vous différencie de vos principaux concurrents ?
Depuis le début, on a souhaité se spécialiser dans la restauration, et depuis le début, on estimé que c’était à la caisse de s’adapter aux restaurateurs, pas l’inverse. Du coup, on a d’emblée mis la barre assez haute. Aujourd’hui, on a acquis un certain savoir-faire et on est à même de proposer plus de 150 fonctionnalités. On a aussi souhaité exploiter et tirer parti du cloud d’entrée de jeu. Ce n’est pas quelque chose que nous avons greffé par la suite, mais un aspect inhérent à la solution. Dans notre conception du produit, dans son architecture, dans nos choix technologiques et dans notre façon de faire… tout a été guidé et motivé par notre volonté d’utiliser au maximum les capacités du cloud, ce qui permet à nos clients de profiter d’un outil de gestion centralisé. Qu’il soit au bureau, à la maison ou en vacances, le restaurateur a accès depuis son back-office à toutes les informations liées à une caisse, à ses menus, à ses prix, à ses articles ou à ses stocks… pour un ou plusieurs sites. Enfin, le dernier élément qui fait selon moi la différence est le fait qu’iKentoo est une solution multi pays. On s’est très vite déployé sur d’autres marchés, ce qui nous a permis de nous rendre compte que les besoins étaient très variés d’un pays à un autre. On a donc rapidement fait évoluer la solution afin qu’elle puisse s’adapter à ces autres marchés et répondre à un maximum de besoins.
Vous êtes aujourd’hui présent dans 28 pays. Aviez-vous envisagé un tel développement ?
Disons les choses autrement. En tant que start-up, on a saisi les opportunités qui se présentaient et plutôt que de dire non tout de suite, on a d’abord dit oui en évaluant les bénéfices que ça pourrait nous apporter. On savait bien que ça nous ferait travailler plus mais on a regardé les choses positivement, en se disant que connaitre le marché global nous donnerait un réel avantage compétitif sur le long terme. Et en tant qu’ingénieurs et développeurs, on savait aussi qu’on pourrait payer cher nos mauvais choix de départ… On a donc préféré apprendre un maximum dès le début pour pouvoir mieux en profiter plus tard.
On voit de plus en plus de nouvelles solutions de livraison émerger, Tiller Delivery ou Stuart en France, Delivery Mates ou Quiqup en Angleterre. Certaines n’hésitent pas à se positionner « contre » les géants du secteur, accusant ces derniers de conserver pour eux-mêmes les données clients, privant ainsi les restaurateurs de leur indépendance. Quel est votre positionnement sur ce débat et cette question de l’indépendance des restaurateurs ?
C’est une question complexe qui amène plusieurs éléments de réponse. D’abord, je précise que nous n’envisageons pas, à ce stade de notre développement, de nous attaquer à d’autres problématiques que celle pour laquelle nous avons conçu iKentoo. Nous avons encore beaucoup de choses à construire autour de notre plateforme et exploser iKentoo en mini sociétés pour répondre à d’autres besoins n’est pas à l’ordre du jour. Par contre, l’intégration avec des solutions tierces qui répondent à d’autres besoins et d’autres problématiques, ça, ça nous intéresse, et c’est même un axe stratégique.
Ensuite, pour ce qui est de l’indépendance, je trouve qu’il est normal que le restaurateur ait envie et besoin de connaitre ses clients. Sans cela, comment peut-il améliorer son offre, son service ou son choix de nourriture ? Le priver de ces données n’est pas tout à fait juste. D’un autre côté, je comprends, mais ne justifie pas, les raisons qui poussent certains acteurs à protéger ces données. Ces plateformes touchent en effet une commission pour avoir amené un nouveau client dans un restaurant. Si elles communiquent les données du client, il y a des chances pour que celui-ci passe en direct … Après, il n’y a pas de raison de ne pas rendre au restaurateur les données des clients qui connaissent déjà l’établissement. Quel que soit le moyen par lequel les clients arrivent, c’est le restaurant qui in fine, livre les biens et encaisse les clients. J’estime donc qu’il a droit à cette information. On assiste là à une course aux datas, plus qu’à une course à l’indépendance.
Stuart, Quiqup et Delivery Mates sont des services de livraison dits du dernier kilomètre et fournissent la chaîne logistique. Tiller Delivery utilise Stuart pour fournir des coursiers aux restaurateurs pour les commande à livrer. Deliveroo et Uber Eats proposent aussi la logistique, mais leur force c’est qu’ils fournissent une demande substantielle en apportant des clients aux restaurateurs contre une commission importante.
Revenons aux intégrations. Ikentoo est aujourd’hui intégrée avec de nombreuses solutions, Skello pour la gestion des plannings, LivePepper pour la commande en ligne ou encore LaFourchette pour la réservation en ligne. En quoi le fait de choisir une solution intégrée, ou ouverte à l’intégration, est-il bénéfique pour les restaurateurs ?
Lorsque le restaurateur fait appel à nous, c’est qu’il souhaite résoudre un problème lié à l’encaissement. Si sa problématique est liée à autre chose, au paiement, à la comptabilité, aux RH ou à la livraison par exemple, il se tourne alors vers d’autres solutions et d’autres acteurs du marché. Si toutes ces solutions fonctionnent indépendamment et qu’elles ne communiquent pas entre elles, ça implique des doubles saisies, qui font perdre du temps à l’équipe et sont en plus sources d’erreurs possibles. L’intégration de solutions tierces à notre plateforme permet que les choses se fassent automatiquement. Elle évite les contraintes de double saisie et élimine les sources d’erreur : le restaurateur est forcément gagnant !
Intégrer autant de solutions à notre plateforme nous permet de donner le choix à nos clients. iKentoo n’est pas là pour obliger les restaurateurs à prendre tel produit ou à emprunter tel chemin. Plus il a d’alternatives possibles, plus nous sommes sûrs qu’il y trouvera son compte. La caisse enregistreuse joue un rôle central, et c’est finalement l’élément le plus proche de sa comptabilité finale. Grâce à l’intégration, tous ses chiffres se retrouvent au bon endroit, ce qui facilite sa comptabilité et la rend plus juste et plus fiable.
iKentoo « dispose » d’une API publique grâce à laquelle vos clients peuvent développer leur propre application. A l’ère des Progressive Web Apps, pensez-vous qu’il soit encore judicieux pour un restaurateur de développer sa propre application ?
Je n’ai pas d’avis clairement tranché sur ce sujet et ce n’est pas une décision si évidente que ça à prendre. Certains de nos clients sont très technophiles, d’autres moins, d’autres encore sont orientés dans leurs choix par les agences avec lesquelles ils travaillent… Nous même chez iKentoo, nous avons travaillé en interne sur différentes idées utilisant ces deux options, afin de mieux les comprendre et mieux les comparer. Au final, nous sommes très orientés-clients et j’estime que ce n’est pas à nous de choisir. Si le client souhaite faire sa propre application, il le fera et nous l’accompagnerons dans cette voie.
Dans une interview donnée au magazine Leman Bleu, vous avez dit que « la caisse enregistreuse telle que nous la connaissons aujourd’hui est vouée à disparaître. Comment imaginez-vous la caisse du futur et comment vous préparez-vous à ce changement ?
Demain, le mobile pourrait être la caisse du futur et une simple application pourrait remplacer la caisse enregistreuse telle que nous la connaissons aujourd’hui. Une telle évolution impliquerait forcément la disparition de l’iPad en tant que caisse enregistreuse, mais le besoin de comptabilité et de gestion centralisée continuera lui d’exister. Finalement, c’est la couche de présentation vers le client qui va évoluer ainsi que les interactions entre le client et le restaurateur, avec des menus digitaux ou des paiements mobiles effectués automatiquement dès la sortie du client par exemple. Ces évolutions permettront au restaurateur de mieux se concentrer sur ce qui fait sa vraie valeur ajoutée, à savoir la nourriture, le service et l’accueil. Tout le reste se passera de manière fluide et naturelle, sans même que le restaurateur ait besoin d’y penser. Chez iKentoo, nous anticipons ces changements. C’est pourquoi aujourd’hui nous nous positionnons davantage comme une plateforme que comme une « simple » solution de caisse. Grâce à l’outil de gestion centralisé que nous lui proposons, le restaurateur peut gérer et piloter son activité et s’assurer que son business tourne correctement.
Et le restaurant du futur, vous l’imaginez comment ?
Je dissocierai d’abord les fast-foods des restaurants traditionnels. Pour les premiers, la digitalisation est clé : plus ils digitalisent, moins ça leur coûte et plus ils sont rentables. Sans grande surprise, je pense que c’est une tendance qui va continuer de s’accélérer.
Pour les seconds, les restaurants traditionnels, ils continueront à l’avenir de jouer un rôle sociétal, en restant avant tout des lieux de rencontre et d’échange et des lieux où l’on vient vivre une expérience. Cet aspect-là, à la fois culturel et sociétal, ne changera pas dans le futur, en tous cas je l’espère. Il y aura par contre des changements dans la façon dont le service se déroule. Un menu interactif avec des explications sur l’origine des produits, une prise de commande réalisée par le client lui-même pourraient par exemple venir enrichir et améliorer l’expérience clients. Mais là où il y aura le plus de changements je pense c’est dans la partie paiement, une étape qui n’apporte pas, ou peu, de valeur ajoutée. Le paiement se fera automatiquement via le mobile au moment où le client quitte les lieux, sans qu’il ait à sortir sa carte de crédit ou à patienter en caisse. Toutes les innovations qui permettent de rendre l’expérience plus ludique, plus riche et plus agréable seront les bienvenues dans ces établissements, depuis la réservation de table jusqu’au départ du client. On peut aussi imaginer qu’un Uber, demain, vous attendra à votre sortie du restaurant si vous avez trop bu ! Mais il n’y a pas qu’en salle que les choses vont changer. Tout ce qui se passe à l’arrière du restaurant et qui n’impacte pas directement les clients sera aussi optimisé grâce aux nouvelles technologies. En cuisine par exemple, les imprimantes thermiques ou matricielles telles qu’on les connait vont disparaître, au profit d’écrans.
En 2017 vous avez levé 4,6 millions d’euros de fonds avec pour objectif de doper votre développement à l’international. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Nous visons en effet quelques marchés supplémentaires, certains de manière stratégique et pro active, comme l’Allemagne, l’Autriche et l’Espagne, où nous allons fournir des efforts supplémentaires au niveau marketing et commercial, et d’autres par opportunités.
Quelles nouvelles solutions ou évolutions envisagez-vous de proposer à l’avenir afin de continuer à faciliter le quotidien des restaurateurs ?
On continue de faire évoluer notre produit afin de lui apporter plus de finesse encore, l’idée étant de faciliter au maximum l’utilisation de notre produit et de faire en sorte que le passage d’une caisse traditionnelle à une caisse tactile soit la plus naturelle possible. Nous travaillons également à améliorer et à fluidifier le parcours client, en commençant par la réservation ou la gestion des listes d’attente, des éléments qui touchent pleinement à l’activité du restaurateur. Nous aimerions en effet pouvoir toucher le client le plus tôt possible, et pas seulement au moment de sa commande. Permettre aux restaurateurs d’identifier leurs clients à l’avance fait par exemple partie des aspects sur lesquels nous travaillons. « Bonjour Serge, comment ça va ? Une bouteille de bordeaux vous attend à votre table » voilà le genre de phrase d’accueil qui peut faire la différence ! Nous avons aussi une équipe dédiée sur le sujet des big data. Avec les caisses traditionnelles, les clients n’avaient pas accès à toutes ces données, ou en tous cas pas de la même façon. Aujourd’hui, on est à l’inverse en trop-plein d’informations. Sur notre plateforme, les restaurateurs ont une tonne d’informations à leur disposition, mais on n’a pas envie qu’ils passent une heure chaque soir à les analyser. La prochaine étape, via l’Intelligence Artificielle ou le machine learning, est de diluer cette information afin de fournir au restaurateur les 3 à 5 indicateurs clés de performance dont il a besoin pour savoir si ses affaires roulent, s’il a passé une bonne journée et ce qu’il devra faire demain pour s’améliorer.
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