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S’il y a bien un pays qui est réputé pour son pain, c’est la France. Dans l’imagerie collective, le Français est [encore] souvent associé à son béret et à sa baguette et même c’est un cliché un peu passé de mode, rappelons que toute caricature se fonde sur une certaine réalité.
C’est peut-être parce qu’au siècle dernier, on en consommait l’équivalent de 3 baguettes ½ par jour et par personne, ce qui représente tout de même 328 kg de pain sur une année ! Au fil du temps, des guerres et des révolutions (industrielles notamment), nous avons modifié notre façon de manger. De denrée vitale et de met indispensable à toute tablée, le pain est devenu un ingrédient plaisir; pour preuve, seuls 33% des Français disent consommer du pain à chaque repas. En 2018, ils en ont consommé l’équivalent d’une demi-baguette par jour, ce qui ne représente « plus que » 58 kg par an et par personne. C’est 82% de moins qu’il y a 100 ans ! Une tendance de consommation qui s’est accélérée depuis une dizaine d’années et qui s’explique par de multiples facteurs.
Pourquoi consommons-nous moins de pain ?
Le facteur prix
Le facteur prix impacte la relation qui unit les Français au pain, même si son rôle dans la réduction de notre consommation reste minime. Depuis le passage à l’euro fin 2001, le prix moyen d’une baguette a augmenté de +30%… Une envolée qui semble un peu folle mais qui est finalement plutôt « raisonnable » puisqu’elle suit, à peu de chose près, la courbe des prix à la consommation (+24% sur la même période). Et dans son article « Non l’euro ne fait pas flamber le prix de la baguette » le journaliste Jean-Marc Vittori nous rappelle à juste titre que depuis 2001 le SMIC a lui été réévalué de +50%. Le facteur prix est donc avant tout un frein psychologique. Il y a un seuil de prix à ne pas dépasser et les faiseurs et les vendeurs de pain le savent : moins de 1€, c’est le prix que les français sont prêts à payer pour acheter une baguette et avec un prix moyen affiché à 0.87€, on est (encore) en-dessous de ce seuil. Le facteur prix seul n’explique donc pas pourquoi les français consomment moins de pain qu’avant, et pour comprendre pourquoi les boulangeries doivent vraiment se réinventer, il faut regarder ailleurs.
De nouveaux comportements alimentaires
Vies pressées, connectées et déstructurées… Les français ne mangent plus aujourd’hui comme ils le faisaient hier. Les 3 prises alimentaires quotidiennes ont fait place à de nouvelles habitudes pour laisser place à de nouveaux moments de consommation. Désormais, on slunch, on brunch, on snack, on goûte, on partage un apéritif dînatoire… autant de nouveaux créneaux de consommation dans lesquels le pain, sous sa forme la plus simple, a assez peu de place. Des recettes alternatives venues d’ici et d’ailleurs sont venues tout doucement remplacer le pain sur nos tablées : pancakes, gaufres, crêpes, galettes, focaccias, bagels, tortillas, tacos, burgers…
De nouveaux régimes alimentaires
A ces nouveaux créneaux de consommation, viennent s’ajouter de nouveaux régimes alimentaires : régime végétarien, vegan, flexitarien ou encore le régime sans gluten, qui concernerait 8% des Français (et sans doute plus à l’avenir). Pour les intolérants et les allergiques au gluten (7%), ou même pour ceux qui suivent la mouvance par simple effet de mode (1%), exit le blé, l’orge ou le seigle, ces céréales qui contiennent toutes du gluten et que l’on retrouve évidemment dans le pain !
Les boulangeries doivent se réinventer
Face à ces phénomènes, les boulangers n’ont pas d’autres choix que de se réinventer, à coup de recettes innovantes, de cuissons personnalisées, de farines diversifiées ou d’offres et de services élargis (snacking, brunch, vente à emporter, click & collect, commande en ligne, etc.). Une adaptation d’autant plus indispensable à leur survie qu’ils ne sont plus les seuls acteurs sur le marché. Même s’ils détiennent encore 60% de part de marché, ils doivent compter aujourd’hui sur les hyper et les supermarchés, les hard discounter, les supérettes de proximité ou encore les chaines de point chaud, chacun voulant grignoter une part d’un gâteau estimé à 11 milliards d’euros (selon l’INSEE).
Pour certains, le virage a été difficile à prendre. En 40 ans, 40% des boulangeries auraient mis la clé sous la porte, faute de clientèle ou faute de n’avoir pas su se réinventer. Aujourd’hui, on compterait un peu moins de 30 000 boulangeries sur le territoire Français (il y en avait 50 000 dans les années 50 et près de 37 000 en 1990), un chiffre qui grimpe à 35 000 si l’on ajoute les boulangeries-pâtisseries.
Parmi elles se trouvent des boulangeries nouvelle génération qui participent à bousculer les codes, à les moderniser, quitte même à les réinventer. Zoom sur 3 de ces concepts novateurs qui ont su faire d’une menace une opportunité.
Ces concepts de boulangerie qui bousculent les codes
The French Bastards la boulangerie qui dépoussière Oberkampf
Lorsqu’ils imaginent The French Bastards, Julien, David et Emmanuel ont justement dans l’idée de bousculer les codes de la boulangerie. Ce qu’ils veulent avant tout, c’est proposer un lieu de vie où l’on ne vient pas juste acheter du pain parce qu’on doit acheter du pain, mais où l’on vient vivre une expérience et où l’on vient éveiller et provoquer ses sens.
Ici, il y a du bruit, de la musique, des gens qui parlent et s’interpellent. Ici, il y a des bonnes odeurs, qui se diffusent par la cuisine ouverte au gré des différents moments de consommation de la journée. Ici, on ne sait plus où poser le regard tellement il y a de choses à voir et à découvrir. Des objets chinés dans la chambre d’enfant des trois garçons posés ici et là sur les étagères, des étalages bien fournis, où se côtoient pains, viennoiseries, pâtisseries, et mets salés en tout genre, et bien sûr, le personnel, souriant et accueillant, qui a toujours un mot sympa pour les clients. Ici, il y a du gout, un goût vrai et authentique, sublimé par les bons produits (locaux et bio si possible) qui entrent dans la composition de chaque recette. Enfin, le sens du toucher n’est pas en reste non plus, car ici, l’ambiance cool et décontractée nous invite forcément à nous poser pour siroter un bon café ou déguster un sandwich (revisité bien sûr).
Dans l’univers de la boulangerie, The French Bastards est un peu comme une provocation (dans le bon sens du terme évidemment). Une provocation qui commence par le nom de l’enseigne (traduisez « Bâtards de Français »), un clin d’œil à l’expérience professionnelle de Julien en Australie. La provocation continue avec le nom de leur pain signature, « La Bâtarde ». C’est drôle et ça fait bien sûr écho au nom de l’enseigne tout autant qu’au célèbre pain batard… mais dans notre époque où le féminisme est pleinement assumé, c’est très culotté ! Leur sens de la créativité et de l’innovation est aussi une forme de provocation, à l’image de leur « cruffin » , une recette hybride mi-muffin mi-croissant, fourrée au caramel ou au citron. Leur communication est aussi un brin provocante, non pas sur le fond mais sur la forme. Pas de site Internet, des publications plutôt irrégulières sur les réseaux sociaux, et pourtant, plus de 20 000 abonnés sur Instagram, des tas d’articles publiés sur le net et plein de vidéos mettant le trio et leur concept à l’honneur. A l’heure où l’on s’évertue à dire qu’il faut un site Internet propre pour garder son indépendance et se positionner dans les SERPs, qu’il faut une communication régulière sur les réseaux sociaux pour développer sa réputation et sa notoriété, je dois dire que ces résultats sont plutôt bluffants.
Et si sur les réseaux sociaux, le trio n’hésite pas à s’afficher comme le « boys band des boulangers » (provocation ?) et qu’en apparence, ils semblent ne pas trop se prendre au sérieux…
… au quotidien, ils travaillent en pleine harmonie avec beaucoup de professionnalisme, de rigueur et de passion. The French Bastards est donc un concept de boulangerie très révélateur de cette nouvelle génération d’entrepreneurs : une génération audacieuse, qui ose et prend des risques, une génération qui repousse les limites et qui, plutôt que de subir les codes, les réinvente.
Äss-Bar la boulangerie responsable qui vend les invendus
Après Paris, direction la Suisse avec un concept de boulangerie vraiment pas comme les autres, celui de Äss-Bar. Si vous vous demandez ce que ça peut bien vouloir dire (non, ce n’est pas un bar dans lequel on pose ses fesses, je vous vois venir), sachez qu’en Suisse Allemand ça signifie « mangeable » . Drôle de nom pour une enseigne sensée vendre du goût et des saveurs non ? Et pourtant, ce nom est particulièrement bien choisi et vous allez comprendre pourquoi.
En Suisse, 250 tonnes de nourriture sont jetées chaque année, dont 1/3 est composée de nourriture pouvant encore être consommée (notamment les invendus des commerces alimentaires). Forts de ce triste constat et motivés par l’envie de faire bouger les choses, quatre ingénieurs ont créé le label « frais de la veille » qui permet de donner une seconde chance aux invendus encore « mangeables ». Le concept des boulangeries Äss-Bar consiste donc à récupérer les produits invendus de boulangeries artisanales partenaires afin de les revendre dans un établissement de l’enseigne (il y en a 8 aujourd’hui, répartis entre la Suisse Alémanique et la Suisse Romande), le tout à prix réduit bien sûr.
Ce concept n’est pas nouveau puisque l’enseigne a ouvert son premier établissement à Zurich en 2013 mais il est tout simplement génial. Il permet de donner une seconde chance aux produits invendus mais encore bons à la consommation, de participer à sensibiliser l’opinion publique sur le gaspillage alimentaire et sur la notion du « frais de la veille » (une notion qui se rapproche de celle des légumes moches) et enfin d’éduquer le marché pour inciter les consommateurs à faire des achats plus responsables. Et pour les artisans boulangers partenaires de l’enseigne, voir leurs produits ainsi valorisés, achetés et consommés (plutôt que jetés) est également très valorisant, comme cela est justement souligné sur le site de l’enseigne.
Au-delà du concept innovant qui vient, là encore, bousculer les codes, Äss-Bar est une belle Histoire, à laquelle on a forcément envie d’adhérer et dont on attend impatiemment la suite… Espérons que le concept fasse des petits et inspire d’autres restaurateurs, boulangers, entrepreneurs d’ici ou d’ailleurs !
Chambelland, boulangerie sans gluten
« Proposer une expérience boulangère inédite » , telle est la mission que se sont lancés Nathaniel Doboin et Thomas Teffri-Chambelland, les co-fondateurs des lieux. Dans cette boulangerie moderne et bien ancrée dans son temps, ils proposent une gamme de pains sans blé, sans seigle, sans orge, bref, une gamme de pains naturellement sans gluten ! Et pour réussir ce pari ambitieux, ils n’ont pas hésité à « mettre la main à la pâte » , en créant leur propre moulin dans le sud de la France dans lequel ils produisent leurs propres farines (farine de riz, de sarrasin, de sorgho et de millet). Ceux qui le souhaitent peuvent d’ailleurs repartir avec les farines de l’enseigne, pour tester leurs propres recettes à la maison.
Pains au levain naturel, pains de sucre, focaccia, viennoiseries, pâtisseries, soupes ou encore salades : tous les produits sont garantis sans gluten et sont élaborés à partir d’ingrédients bio. Et pour compléter la démarche, les offres salées et sucrées évoluent au gré des saisons et de ce que la Nature a à offrir.
Lorsqu’ils vont acheter du pain, les consommateurs (et en particulier la jeune génération) ne veulent plus « simplement acheter du pain » , ils veulent trouver des recettes et des cuissons inventives, respectueuses de leurs régimes et de leurs habitudes alimentaires, réalisées avec de bons ingrédients frais et si possible locaux, vendues dans des lieux vivants et ouverts, ayant si possible une démarche responsable et transparente, avec un accueil chaleureux et personnalisé… Autant d’éléments sur lesquels les acteurs de la boulangerie peuvent réfléchir et agir pour faire la différence et se réinventer. Et pour créer une expérience unique et mémorable, ils peuvent aussi compter sur une palette des services à même de faciliter la vie des clients : commande en ligne, livraison, click & collect ou encore drive-in.
A bon entendeur…
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