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La pandémie de Covid a mis à genoux une partie des entreprises françaises et les entreprises de la restauration ont été particulièrement accablées. Pourtant, les confinements successifs et les différentes restrictions sanitaires ont révélé chez certains professionnels des trésors d’inventivité. Prudents, pragmatiques, rebelles ou altruistes, les restaurateurs ont déployé les grands moyens pour conserver la tête hors de l’eau.
Les prudents, qui font appel à des plateformes de livraison
Les restrictions sanitaires, consécutives à l’épidémie, ont durement frappé les restaurateurs. Mais les géants de la livraison de repas à domicile ont, eux, tiré leur épingle du jeu. Les chiffres sont éloquents : à la fin décembre 2020, Deliveroo affirmait compter quelque 20 000 restaurants partenaires dans l’hexagone : 8 000 de plus en un an. Dans la seule ville de Toulouse, 470 restaurants font appel à une plateforme quand ils n’étaient que 365 l’année précédente. Même son de cloche pour Uber Eats, qui assure avoir doublé son activité en France au deuxième trimestre 2020 (en comparaison de la même période de 2019.) Et revendique une croissance de plus de 130 % entre août 2019 et août 2020. Plus de 800 restaurants et une flotte de 1 500 livreurs utilisent désormais la plateforme dans la ville Rose. Quant au Britannique Just Eat, il affiche également une offre enrichie de plus de 2 000 restaurants et un taux de nouveaux clients qui a bondi de 55 %. Le directeur international de l’entreprise, Jérôme Gavin estime qu’« un nouveau type de consommateur est arrivé… Des gens souvent âgés de plus de 40 ans et dont le panier est supérieur, avec un taux de répétition élevé. » L’offre s’élargit, désormais à de grandes signatures de la gastronomie française : les chefs étoilés Tomy Gousset, Hélène Darroze, Guy Savoy et Yves Camdeborde, à Paris de même que Michel Sarran, à Toulouse, sont référencés.
Enfin, plusieurs géants du secteur (CentralApp, Deliveroo, La Fourchette…) ont uni leurs forces et créé le site Aide-aux-restaurateurs.fr, où sont désormais référencés des centaines de restaurants. De Paris à Marseille en passant par Nice, Nancy, Grenoble ou Brest on y trouve toutes les informations (vente à emporter, livraison…).
Les pragmatiques, qui ont choisi la commande en ligne et le click and collect
La crise sanitaire a conduit de nombreux restaurateurs à recourir au click & collect et/ou à la commande en ligne, et pas seulement dans l’univers de la restauration rapide. Sur son compte Instagram, le restaurant du chef Fabien Beaufour (une étoile au guide Michelin en 2016 et trois toques au Gault&Millau) annonçait le 19/05 dernier la mise en place de la phase 2 de la réouverture de son établissement, le Cent 33, avec le lancement d’un service de click and collect, disponible de 18 heures à 21 heures.
Devant le succès de la formule, certains professionnels envisagent de la pérenniser, même après la fin des restrictions. Mo Bachir, patron du restaurant toulousain M, explique au média Confluences : « La crise a vraiment été le déclencheur pour nous amener à faire de la vente à emporter, mais je pense poursuivre par la suite : ça cartonne ! » Et il a plein d’idées : il prévoit ainsi d’embaucher du personnel et de créer un local spécifiquement destiné à ce service. « Les clients pourront attendre leur commande en prenant un apéritif, comme cela se faisait chez les traiteurs, avant. On ne trouve plus rien comme cela à Toulouse. »
Restaurateur à Brest, Yves Moulin confirme le succès du click and collect. Il déplore, cependant que ce mode de vente vienne grignoter le succès de sa terrasse ou de sa salle maintenant que les interdits sont levés. Les Brestois du restaurant La Poke, né juste avant le premier confinement ne disent pas autre chose : une file d’attente pour la vente à emporter mais une salle vide.
Contraints de se digitaliser, de nombreux restaurateurs ont aussi profité de la crise pour développer un site de commande en ligne propre. C’est le cas notamment des restaurants parisiens Chiche et Fief, qui profitent désormais d’un nouveau canal de vente en ligne, qu’ils maîtrisent et contrôlent pleinement.
Les rebelles et ceux qui ne jurent que par le local
De nombreux restaurateurs se sont aussi refusés à céder aux chants de sirènes des plateformes géantes. Ces rebelles ont préféré choisir des partenaires à taille humaine et/ou de proximité. Voire, ont organisé eux même ce service. Ainsi, la pizzeria parisienne Louie Louie a décidé de miser sur l’éthique mais aussi l’économie, en gérant seule ses livraisons. Pour relever ce défi, l’entreprise a proposé à ses serveurs de devenir coursiers.
Letseat a vu le jour à Limoges et entend bien tenir la dragée haute aux géants anglo-saxons. Le créateur de la société, Sébastien Terre, en est persuadé : « Le e-commerce, dans la restauration, c’est l’avenir… Nous ne demandons que 10 %, là où les autres services de livraison demandent 30 %. Les clients retrouvent les mêmes prix que sur les plats commandés qu’au restaurant. » L’application Letseat met en avant les produits locaux. Et entend recruter ses livreurs (la course est payée entre 3,5 euros et 5 euros) chez les étudiants, « pour qui c’est aujourd’hui compliqué », ajoute Sébastien Terre. En Auvergne Rhône-Alpes, Khalis Hadjeres et Pierre-Jean Anthoine sont à l’origine d’une plateforme, purement lyonnaise, Lyon Eats, qui évite, elle aussi, aux restaurants partenaires les 30 % de commission mais cette fois, en proposant un abonnement mensuel. Le chef du restaurant Semantème, Alban Vehi estime que le principe est « gagnant-gagnant. »
Il y a aussi ceux qui n’ont peur de rien. Les nouveaux David, bien décidés à défier les Goliath du secteur. À Angers, Le Mans, Nantes, Rennes, ou encore Strasbourg, Grenoble, Bordeaux, la plateforme Les Frères Toque a le vent en poupe… Créée en 2015, l’entreprise a connu une « traversée du désert » pendant plusieurs années. Puis, la pandémie et les réserves de la clientèle vis-à-vis des géants de la livraison, ont ouvert de belles perspectives aux Frères Toque. Louis Prézelin, le créateur de l’entreprise se félicite : « 2020 a été une année hors du commun… On a doublé le nombre de commandes par rapport à 2019. »
Enfin, il y a les révoltés. Anciens coursiers des plateformes géantes, ils préfèrent désormais mettre leur vélo et la force de leurs jambes au service d’autres entreprises. Clément Bréhard, qui travaille depuis juin 2020 avec les Coursiers bordelais, estime ainsi : « Avec les plateformes, tu ne fais que livrer d’un point A à un point B. Ici, il y a un esprit d’équipe. Je suis impliqué dans le fonctionnement de la coopérative, j’apprends des choses. »
Enfin, les altruistes, qui préfèrent donner
Il y a, pour finir, les généreux. Ceux qui, plutôt que de perdre leurs produits, leurs recettes et leur savoir-faire ont préféré les offrir aux plus fragiles ou aux combattants de première ligne. Thomas Bonnel, cofondateur du restaurant parisien Mieux, a, comme tous ses confrères, dû fermer son établissement lors des confinements. Mais il n’a pas voulu se résigner à clore hermétiquement ses portes. Thomas a ainsi mis en œuvre son expérience et son savoir-faire pour venir en aide à ses fournisseurs et maraîchers. Dès la première semaine, il a récupéré les produits afin de les livrer à des personnes isolées ou fragiles. Il a aussi confectionné de bons petits plats pour les personnels soignants d’hôpitaux d’Île-de-France.
À Bordeaux, Fabien Beaufour et son épouse, Émilie, gérants du restaurant étoilé le Cent 33, ont mis, gratuitement, leur talent culinaire au service du personnel soignant, du SAMU et des pharmaciens. Quotidiennement, une cinquantaine de panier-repas quittent ainsi les cuisines à destination du corps hospitalier.
Prakash Narayanan, qui gère le bistrot girondin MetSens, a offert, tous les jours, un repas chaud à une vingtaine d’étudiants. Dans les Yvelines, à Mantes-la-Jolie, l’Étoile de Fès a fourni sandwiches, tacos ou burgers aux jeunes qui en avaient besoin. Le gérant, Brahim Bourkia explique : « Un étudiant ne doit pas mourir de faim, se poser des questions sur son loyer. Il doit faire ses études et aller au bout de son rêve… ». Enfin, à Amiens, les jeunes ont pu compter sur le Ad Hoc Café. Laissons à son chef, Laurent Giacomelli, les mots de la fin : « Le temps devenait assez long. Retrouver son équipe, sa cuisine, ne plus être non-essentiel et pouvoir aider les étudiants en cuisinant, c’est que du bonheur ».
Références
Reporterre.net – La Depêche.fr – Lci.fr – Confluences.fr – Francebleu.fr – Start.lesechos.fr – Liberation.fr – Huffingtonpost.fr – France3-regions.francetvinfo.fr
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