restoconnection-livepepper-restaurant-site-internet-restaurateurs-independants
Marie Houssiaux

Diplômée en information-communication, Marie s’appuie sur plus de 20 ans d’expérience en agence, chez l’annonceur puis à son propre compte pour produire des contenus éditoriaux à forte valeur ajoutée.

Parallèlement à sa carrière dans la restauration, où il a occupé presque tous les postes, Bruno Mafflard a eu l’opportunité de développer des solutions digitales adaptées aux besoins des établissements. C’est fort de cette double expertise qu’il a créé la communauté Restaurateurs Indépendants, qui aide les restaurants à se fédérer en une force collective.

En janvier dernier, la communauté Restaurateurs Indépendants annonçait sa sélection par Bpifrance dans le cadre d’un appel à projets visant à accompagner les TPE/PME dans leur transformation numérique. Ce soutien lui permet de lancer, aujourd’hui, des parcours gratuits pour favoriser la digitalisation dans la restauration. L’occasion d’interroger Bruno Mafflard sur l’organisation qu’il dirige et la mission qu’elle s’est fixée : simplifier le quotidien des restaurateurs et rééquilibrer le rapport de force avec les poids lourds du numérique.

On vous connait aujourd’hui comment Directeur-Fondateur de Restaurants Indépendants. Pouvez-vous nous en dire plus sur votre parcours professionnel et le lien que vous entretenez avec l’univers de la restauration ?

Tout commence en 1996 à Londres, qui est alors la capitale mondiale de la gastronomie. J’y ai rejoint Bank Restaurant & Bar, un établissement devenu depuis un groupe, comme barman puis comme chef de bar, chef de rang, caviste, responsable des achats… Cette expérience formatrice et passionnante m’a aussi permis de faire de belles rencontres. Le dynamisme de l’équipe a d’ailleurs valu au restaurant d’être plusieurs fois récompensé. J’ai alors eu l’opportunité de participer au développement de logiciels spécialement conçus pour les restaurants, et notamment des solutions de réservation très innovantes pour l’époque. Ensuite, j’ai voulu rompre avec la vie londonienne et j’ai travaillé pendant deux ans à la refonte totale de l’offre restauration de l’InterContinental à Madrid : bar, restaurants, room service, petit déjeuner… Puis je suis devenu directeur de restaurant pour le Royal Méridien Beach Resort & Spa, à Dubaï. Cette collaboration, elle aussi marquée par plusieurs récompenses, m’a familiarisé avec d’autres méthodes. Nous disposions de moyens humains inédits : un employé pour un client ! En 2003, l’équipe avec qui j’avais déjà travaillé à Londres m’a contacté pour développer Livebookings, un service de réservation en ligne et en temps réel, en Europe. Ce que j’ai fait, avant de revendre mes parts en 2007 pour les investir avec mon associé londonien dans un restaurant à Nice, sur la Promenade des Anglais. Pendant 10 ans, j’ai tout connu de la vie d’un restaurant, avec ses hauts et ses bas. On peut parler d’une expérience challengeuse ! Je me consacre aujourd’hui exclusivement à Restaurateurs Indépendants, une organisation que nous avons fondée en 2018.

Ce qui caractérise votre parcours, c’est qu’il articule expérience de la restauration et expertise digitale. C’est une trajectoire volontaire ?

J’ai toujours eu pour objectif d’ouvrir un jour mon propre restaurant. Développer des logiciels de gestion et de réservation n’était pas au programme, mais cela m’a finalement permis de nourrir cette double expérience. Avant de devenir propriétaires du restaurant Sarao à Nice avec mon associé, nous avons d’ailleurs hésité à nous lancer dans l’éducation des restaurateurs au numérique. Mais je voulais commencer par gérer mon restaurant. En faisant dans cet ordre, j’ai pu réaliser, après 10 ans sur tous les fronts, à la tête d’un restaurant ouvert 7 jours sur 7, que j’avais énormément perdu sur le plan du digital. Alors que j’étais un spécialiste dans ce domaine quelques années plus tôt… C’est précisément parce que le numérique évolue très vite et impose de s’adapter rapidement que l’accompagnement mis en place par Restaurateurs Indépendants prend tout son sens.

Restaurateurs Indépendants est le seul organisme du secteur de la restauration retenu par Bpifrance. Quand et de quels constats est née cette communauté ?

Le projet, qui s’est concrétisé officiellement en 2018, résulte de mes expériences dans le digital, à la tête d’un établissement et comme membre du conseil d’administration de l’UMIH Nice-Côte d’Azur. La plupart des restaurateurs ont, comme je le disais, « la tête dans le guidon ». Ils n’ont pas de temps à consacrer à la gestion de leur empreinte digitale, peu d’argent pour le faire et pas forcément les connaissances requises. L’idée derrière Restaurateurs Indépendants était donc de leur simplifier le quotidien mais aussi de les aider à réduire leurs coûts d’exploitation. Pas seulement avec du coaching numérique et des outils digitaux qui peuvent leur faire gagner en visibilité ou en productivité, mais aussi via des partenariats exclusifs qui leur donnent accès à des offres très intéressantes. Ce sont autant d’opportunités de faire des économies qu’ils peuvent réinvestir autrement.

En seulement quelques mois, vous êtes parvenus à convaincre Bpifrance de l’importance de votre mission. Quelle est-elle exactement ? Avez-vous également un rôle à jouer auprès des instances officielles ?

Il faut d’abord rappeler que notre organisation, à but non-lucratif, n’est pas un lobby. Nous n’avons pas vocation à négocier auprès des ministères, ni à faire de la politique. Nous voulons simplement « remettre l’église au centre du village » en rééquilibrant les rapports de force avec les fournisseurs et les acteurs du numérique. Les restaurateurs ne doivent pas en être dépendants comme le sont aujourd’hui les agriculteurs vis-à-vis de l’industrie agroalimentaire ou les hôteliers face à Booking ou Airbnb. Leur transformation numérique est indispensable à une relation commerciale qui soit gagnant-gagnant. Nos parcours d’accompagnement ne sont pas seulement une opportunité pour les restaurateurs de s’engager dans cette voie. Ils contribuent à en faire des acteurs avertis que nous voulons transformer en une force collective, essentielle pour exister en tant qu’indépendants dans un marché où dominent de très gros acteurs.

Vous parliez, précédemment, de préserver l’empreinte digitale des restaurateurs. Cette notion est au cœur de votre projet. De quoi s’agit-il concrètement ?

Préserver son empreinte digitale, c’est préserver sa présence en ligne, faire que les informations disponibles soient qualitatives, à jour, harmonisées. Le contenu erroné ou daté peut être préjudiciable pour un établissement. Faites le test : prenez un restaurant et comparez ses horaires d’ouverture sur TripAdvisor, son site, sa page Facebook et son Google My Business. Je vous parie qu’au moins un compte sur quatre n’est pas à jour. On veut solutionner ça en proposant enfin du contenu de qualité, riche et enrichi sur les restaurants. Nos membres ont d’ailleurs accès à un outil de gestion de leur contenu. Ils le centralisent via notre plateforme pour le dispatcher ensuite partout où c’est stratégique : sites des offices de tourisme, Google, TripAdvisor, etc. Cette distribution du contenu est très importante. Et plus on sera nombreux, plus cet « annuaire géant » sera pertinent.

Évoquons justement votre réseau et votre ancrage. Combien de membres et de collaborateurs compte Restaurateurs Indépendants aujourd’hui ?

Nous avons lancé notre organisation très récemment, en mai 2021, en nous concentrant d’abord sur Nice où j’avais mon établissement et mes contacts. Nous comptons pour le moment une cinquantaine de membres, notre développement ayant été ralenti par l’appel à projets de Bpifrance auquel nous voulions répondre dans les meilleures conditions. Cela nous a demandé du temps. Notre objectif reste toutefois inchangé : faire que les restaurateurs qui adhèrent soient satisfaits de nos accompagnements et repartent avec des éléments concrets et faciles à mettre en pratique. Ce que nous avons fait sur la Côte d’Azur, nous allons à terme l’appliquer au reste du territoire, forts de notre partenariat avec l’Association Française des Maitres Restaurateurs et plusieurs bureaux locaux de l’UMIH. Notre petite organisation a vocation à devenir grande, dès lors que nous aurons convaincu les restaurateurs que nous agissons pour leur intérêt. Afin d’y parvenir, on s’appuie pour le moment sur une petite dizaine de personnes qui se consacrent aux relations avec les restaurants, à la communication, au marketing, au financier et bien sûr à la gestion de la plateforme elle-même, confiée à une entreprise française.

Les inscriptions pour l’accompagnement à la transition numérique que vous proposez débutent ce 14 mars. Qu’attendez-vous de cette initiative ?

C’est une opportunité formidable pour les restaurateurs d’être accompagnés gratuitement, grâce au plan de relance du gouvernement, selon leur niveau de maitrise et leurs besoins. Une étude que nous avions réalisée en 2018 montrait que seuls 20 % des restaurants niçois avaient un site web. Si ces chiffres ont progressé depuis le Covid, qui a fait prendre conscience à beaucoup de l’importance d’internet, l’enjeu reste majeur. Il s’agit de donner à ces acteurs indépendants les clés pour adopter les bonnes pratiques. Ils en ont besoin pour gagner en visibilité et aller chercher leur clientèle. Cela passe par un site internet, une page Google My Business, un compte Facebook et Instagram, mais aussi par la réponse aux commentaires laissés par les clients. Tout ça demande des codes que les restaurateurs n’ont pas toujours. Et il n’est pas indispensable de dépenser beaucoup : l’inscription à Google My Business est gratuite et on peut avoir un site dès 15 € par mois. Notre travail consiste notamment à faire comprendre tout ça.

La pandémie de Covid et les restrictions qu’elle a engendrées ont lourdement touché le secteur de la restauration. En quoi le digital peut aider ses acteurs à rebondir ?

Nombreux sont les restaurateurs qui, contraints à la fermeture, ont eu le temps de se pencher sur le numérique et les nouvelles opportunités commerciales qu’il ouvre. La distanciation a par exemple permis de développer le Click & Collect, dont LivePepper est le spécialiste, ou l’utilisation des QR codes pour accéder à un menu ou payer. La crise a en outre confirmé l’utilité d’avoir un site web et des réseaux sociaux pour se rendre visible. Il n’est pas question d’entrer en guerre contre les géants du digital mais de capitaliser sur les solutions qui s’offrent aux restaurateurs pour exister indépendamment d’eux. C’est dommage de passer par un site qui facture 2 euros par couvert à la restauration quand on peut capter autrement cette clientèle…

En quoi consiste exactement vos parcours de « Mise en place numérique » ? Que vont-ils apporter aux restaurateurs ?

D’abord, ces parcours gratuits s’adaptent à leurs disponibilités avec une organisation souple : l’accompagnement débute par un entretien individuel, suivi de 3 ateliers thématiques à distance de 10h chacun et d’un peu de travail personnel en parallèle. Un bilan individuel permet de faire le point en fin de dispositif. Les restaurateurs qui s’inscrivent peuvent choisir jusqu’à deux formules parmi les trois axes proposés : la présence en ligne (site, outil de commande en ligne, réponse aux avis) ; la digitalisation (caisse connectée, click & collect, paiement en ligne) ; la maîtrise des réseaux sociaux. Nous allons travailler sur les fondamentaux car nous nous adressons aux indépendants, à des petites structures en quête de conseils. Pour chaque thématique, on leur donne les clés, on leur rappelle les bonnes pratiques et on les oriente vers des prestataires sérieux, des solutions et des outils pour tous les budgets. Il y aura toujours plusieurs options à disposition, comme nous l’impose d’ailleurs notre obligation de neutralité et de pluralité vis-à-vis de Bpifrance. Nous donnons simplement les informations au restaurateur, qui peut ensuite agir et décider en parfaite connaissance et en parfaite autonomie.

Pour conclure, pouvez-vous rappeler ce que doivent faire les restaurateurs intéressés pour bénéficier de ce parcours ? Quelles sont les prochaines échéances à ne pas manquer ?

Les inscriptions se déroulent la semaine du 14 mars 2022. Les entretiens individuels ont lieu à partir du 21 mars, et les premiers ateliers commenceront le 28 mars. Débuteront alors 18 mois de travail avec Bpifrance, auprès de qui on s’est engagés à accompagner 2 300 établissements à travers la France. S’il y a donc un message important à faire passer aux restaurateurs, c’est le suivant : « Vous avez aujourd’hui une opportunité, gratuite et limitée dans le temps, de faire le point sur vos usages et vos besoins numériques. Saisissez-la. ». Pour répondre à votre dernière question, donc : l’échéance à ne pas manquer, c’est maintenant !