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Encensée par certains, critiquée par d’autres, Deliveroo ne laisse en tous cas personne indifférent et fait régulièrement parler d’elle dans les médias. Rien que sur les 12 derniers mois, elle a tour à tour réalisée sa sixième levée de fonds (500 millions d’euros), lancé deux nouveaux outils marketing ainsi qu’un concept de cuisines partagées (Editions), ouvert son 13ème marché (Taiwan), fait face à des mouvements de grève de la part de certains de ses livreurs ou encore fait l’objet d’une rumeur de rachat par l’autre géant du secteur, Uber.
Autant de bonnes raisons qui nous ont motivés à nous rapprocher de l’enseigne, afin d’en savoir plus sur sa vision du marché de la livraison de repas à domicile, sur ses ambitions et sur sa stratégie à long terme. Nous avons également voulu connaitre son positionnement sur l’indépendance des restaurateurs vis à vis de ces grandes marketplace, qui d’un côté leur permettent d’aller conquérir de nouvelles cibles, mais qui de l’autre, conservent pour elles-mêmes les données clients.
Dans une interview donnée à Europe 1 en juin dernier, Will Shu, le cofondateur et PDG de Deliveroo, évoquait la présence de l’enseigne dans 150 villes françaises. Un récent communiqué de presse faisait état de 200 villes. Quels moyens déployez-vous pour parvenir à une telle croissance, et quels objectifs visez-vous en France ?
Depuis notre arrivée sur le marché Français en 2015, nous avons eu une croissance assez importante… Qui s’est accélérée en ce début d’année 2018 suite à notre dernière fonds, en septembre 2017, de près de 500 millions de dollars. Nous avons donc entamé une phase d’expansion et d’implantation dans beaucoup de nouvelles villes au premier semestre 2018, ce qui nous a permis de passer, en quelques mois seulement, de 150 à 200 villes, ce qui représente actuellement 6000 restaurants partenaires et 10 000 livreurs. L’objectif d’ici à la fin de l’année est de continuer à nous étendre pour rendre Deliveroo disponible à plus de consommateurs encore, et d’ouvrir le service à toujours plus de restaurateurs.
Votre stratégie vise clairement à vous positionner comme un partenaire des restaurateurs, plus que comme une simple plateforme de livraison. Comment cette volonté se concrétise-t-elle exactement ?
Nous souhaitons devenir une entreprise culinaire de référence, ce qui se traduit de différentes manières. Aujourd’hui, nous allons au-delà du simple volet commercial qui consiste à démarcher un restaurateur. Nous l’aidons par exemple à identifier sur son menu les plats les mieux adaptés à la livraison, à proposer les prix les plus justes, et nous le conseillons sur ce qui marche ou ne marche pas… In fine, il reste bien entendu le seul décisionnaire sur ce qu’il souhaite mettre sur son menu et à quel tarif, mais nous sommes force de conseil et de proposition. Aussi, lorsqu’un restaurateur souhaite ouvrir un nouvel établissement, nous le conseillons et l’accompagnons sur différents aspects, notamment sur l’agencement interne du restaurant. L’idée étant de l’aider à optimiser les déplacements entre l’intérieur et l’extérieur pour apporter les commandes aux livreurs. C’est un service que nous proposons gratuitement, preuve de notre volonté de nous inscrire dans une relation de partenariat.
Aujourd’hui, nous mettons également à la disposition de nos clients restaurateurs deux outils marketing. Le premier, « Marketer », leur permet de gérer en direct leurs promotions depuis la plateforme. Le deuxième, « Restaurant Home » met à leur disposition un certain nombre de données. Entre le moment où le consommateur final passe sa commande et le moment où elle est livrée à son domicile, il se passe en moyenne 30 minutes. Sur ce temps, il y a deux éléments principaux : la préparation du plat et la livraison. Sur la partie préparation, nous mettons à disposition du restaurateur un certain nombre de données comme les temps de préparation ou les temps d’acceptation des commandes, afin de l’aider à identifier là où il peut optimiser son temps, et l’aider à s’améliorer. En plus de la mise à disposition de ses propres données, nous lui mettons à disposition des données moyennes sur sa zone, ce qui lui permet de se positionner par rapport aux autres établissements.
Retrouvez plus d’informations sur les outils Marketer et Restaurant Home en fin d’article
Qu’est ce qui a motivé la création de ces nouveaux outils et la mise à disposition de ces données ?
Nous avons commencé à travailler sur ces données à partir du lancement du concept Editions, ces cuisines partagées dédiées à la livraison que nous avons inaugurées au Royaume-Uni avant de les lancer en France, à Saint-Ouen d’abord en juillet dernier, puis à Courbevoie à la mi-octobre. Dans ces cuisines partagées, nous mettons à disposition de nos restaurants partenaires un certain nombre de données, à la fois sur le Chiffre d’Affaires, mais aussi sur les temps de préparation, l’évolution des commandes, des temps de préparation ou de livraison… afin qu’ils puissent s’améliorer en permanence.
D’un côté, ces cuisines partagées permettent à certains restaurants d’étendre leur zone de livraison et d’aller conquérir une nouvelle clientèle, mais de l’autre, elles créent aussi une nouvelle concurrence pour les restaurants déjà implantés sur la zone géographique ciblée. Que pouvez-vous dire à ces restaurateurs inquiets ou en colère afin de les rassurer ?
Lorsque nous implantons un site Editions, nous ne le faisons pas n’importe comment. Nous identifions des zones géographiques où il y a une forte densité de population, mais une faible densité de restaurants. Ce sont donc des zones où il a énormément d’attente de la part des consommateurs qui y habitent. Si nous allons dans une zone où il y a déjà énormément de restaurants Coréens par exemple, nous n’allons pas aller chercher ce type de restauration. L’idée, au travers de ces cuisines partagées, est de proposer une offre de qualité et une offre complémentaire.
Concrètement, qu’apportez-vous aux restaurateurs dans ces cuisines partagées, et combien ce service coûte-t-il à ceux qui souhaitent en bénéficier ?
Aujourd’hui, un restaurateur qui souhaite s’implanter sur la région parisienne doit investir entre 500k€ et 1000k€ pour avoir pignon sur rue. Beaucoup aimeraient se développer et s’implanter dans de nouveaux lieux mais ne le peuvent pas en raison de la barrière financière. Nous avons donc décidé d’investir en dur dans ces sites Editions, que nous avons aménagés à notre charge. Concrètement, nous mettons à la disposition des restaurateurs un espace entièrement aménagé, cuisines comprises, nous prenons à notre charge le ménage, la gestion du site, des commandes et de la flotte de livreurs. De son côté, le restaurateur doit venir avec son chef ou son cuisinier, son « petit » matériel de cuisine, ses recettes et ses ingrédients. Nous ne lui demandons pas de loyer ou d’autres charges fixes, mais une commission sur le prix de la commande, qui, du fait de la mise à disposition de toute l’infrastructure, est un peu plus élevée que les 30% généralement prélevés pour un restaurant classique.
L’idée, à long terme, n’est-elle pas de proposer aussi vos propres plats à la livraison ?
Non ce n’est pas l’idée. Ce qu’on souhaite, c’est seulement de pouvoir offrir la sélection la plus large au consommateur, à la fois sur le type de restauration mais aussi sur la gamme de prix.
Des rumeurs ont récemment circulé sur un rapprochement possible entre Deliveroo et Uber. Qu’en est-il exactement ?
Nous ne commentons pas ce genre de rumeurs. Je ne peux que vous renvoyer vers une interview de Will Shu à Business Insider, réalisée il y a quelques semaines, et où il indiquait clairement que l’entreprise n’était pas à vendre.
Cette question en amène une autre… Le marché de la livraison de repas doit-il selon vous inévitablement se consolider ? Arrivera-t-on selon vous demain à une situation comparable à celle de la réservation en ligne dans l’hôtellerie, un marché largement prédominé par certains gros acteurs tels que Booking ou Expedia ?
Je pense que nous sommes au tout début du marché de la livraison de repas à domicile, puisque nous sommes sur une évolution des habitudes de consommation en France. Le marché représente 2,4 milliards d’euros en France, et quand vous regardez le chiffre d’affaires des entreprises sur le marché (pas facile de les trouver je sais, car aujourd’hui seuls les grands acteurs les publient), on s’aperçoit que c’est un marché qui se structure. Encore une fois, on en est encore qu’aux tous débuts et même si c’est un marché très concurrentiel, il y a encore de la place pour plusieurs acteurs.
Tiller vient tout juste de lancer Tiller Delivery. Dans son discours, la marque sensibilise les restaurateurs sur l’importance de conserver leur indépendance, les encourageant notamment à ne pas mettre tous leurs œufs dans le même panier et à s’assurer d’avoir leurs propres canaux de distribution en plus des autres canaux qu’ils choisissent d’investir. Comment vous positionnez-vous vis-à-vis de cette notion d’indépendance, notamment sur l’appartenance des données clients dont vous êtes aujourd’hui seuls à profiter ?
Nous avons des contrats de prestation de services avec nos restaurants partenaires, ils restent donc pleinement indépendants. Et le fait que nous mettions à leur disposition des données (nous sommes l’une des premières entreprises à le faire) montre bien dans quelle relation nous nous plaçons avec eux. Concernant Tiller Delivery, je ne vois pas vraiment ce que je peux vous répondre… Si ce n’est que c’est une bonne campagne de communication de leur part.
Cette notion d’indépendance me rappelle une situation déjà vécue sur le marché de l’hôtellerie. Lorsque des Booking ou des Expedia sont arrivés en France, les hôteliers leur ont confié la digitalisation de leurs établissements (par peur du digital, par manque de temps et/ou de savoir-faire). Aujourd’hui certains hôteliers se retrouvent « piégés », pieds et poings liés avec ces plateformes dont ils dépendent, et dont ils peinent à se sortir. Lorsque je vois que certains restaurateurs, en Australie mais aussi aux UK, commencent à vouloir se « sortir » de plateformes comme la vôtre, je ne peux m’empêcher de faire le parallèle…
Je ne pense pas qu’on puisse comparer un Deliveroo à un Booking, tout simplement parce que nous ne sommes pas sur les mêmes schémas. Deliveroo n’est pas arrivé en prenant la place d’un autre acteur, mais sur un changement des habitudes de consommation. Nous sommes donc sur la création d’un nouveau service. Les restaurants sont heureux de travailler avec nous et en moyenne, ils constatent une augmentation de leur chiffre d’affaire de +20% à +30%. Nous ne sommes pas sur une cannibalisation ou sur un grignotage de CA des restaurateurs. Pourquoi ? Et bien lorsque vous avez faim, soit vous allez au restaurant, soit vous restez chez vous. Si vous décidez de rester chez vous, soit vous vous faites à manger, soit, si vous avez la flemme, vous sortez un plat tout prêt du congélateur ou vous commandez un repas à livrer. La concurrence vient donc surtout des supermarchés et des plats tout préparés.
Quel regard portez-vous sur ces mouvements de protestations qui naissent en Australie ou en Angleterre, où certains restaurateurs font le choix de quitter votre plateforme ?
C’est quelque chose que nous n’observons pas sur le marché français, et la meilleure réponse que je puisse vous donner, c’est de vous parler du nombre de nos partenaires. Hier, on travaillait avec 4500 restaurants et 6000 livreurs, aujourd’hui, avec 6000 restaurants et 10 000 livreurs. Les livreurs sont très heureux de travailler avec nous, vous devriez prendre le temps d’en interroger certains dans la rue, et vous constaterez qu’il y a de gros écarts entre ceux qu’on entend s’exprimer dans les médias et les autres. Les taux de satisfaction que nous avons sont très élevés, 80% de nos livreurs se disent pleinement satisfaits de leur collaboration avec Deliveroo. Rien que la semaine dernière, nous avons eu 4000 personnes qui ont postulé sur la plateforme, ce qui traduit bien l’engouement qu’il y a sur un travail flexible et bien rémunéré.
C’est ce qui attire autant les livreurs chez Deliveroo, la rémunération et la flexibilité ?
Oui c’est certain. Si les livreurs devaient devenir salariés, 2 sur 3 arrêteraient de travailler avec nous.
Certains restaurateurs anglais avec lesquels j’ai récemment échangé me disent avoir du mal, aujourd’hui, à recruter des livreurs pour leur flotte de livraison, et accusent directement Deliveroo et Uber de “sécher” le marché de l’emploi et d’avoir fait monter les enchères. Que souhaitez-vous répondre à ces restaurateurs mécontents ?
On peut être fiers de bien rémunérer nos livreurs, et c’est la preuve que ce genre de travail et la façon dont ils sont rémunérés correspond tout à fait à leurs attentes. C’est le meilleur exemple que vous puissiez leur donner.
Fin de l’interview.
Plus d’infos sur « Restaurant Home » et « Marketer »
« Restaurant Home » et « Marketer », deux nouveaux outils lancés cette année par Deliveroo et mis à la disposition des restaurateurs clients de la plateforme.
1/ Restaurant Home
Depuis son lancement en France en 2015, Deliveroo dispose d’un nombre de données important sur la performance du service de livraison des restaurants. Avec Restaurant Home, l’enseigne met une partie de ces données à la disposition des restaurateurs, afin de les aider à améliorer leurs performances :
Nombre de commandes livrées
- Le nombre de commandes livrées et la variation en pourcentage sur une période donnée
- Informations sur les manières dont ils peuvent accroître ce nombre
Temps de préparation, pour réduire le temps de livraison
- Le temps moyen entre la réception de la commande et le moment où le livreur la récupère
- L’évolution du temps de préparation sur une période donnée ainsi que la moyenne des
- Concurrents dans une même zone
- Conseils / informations pour réduire le temps moyen de préparation
Évaluation des commandes, pour améliorer le service global
- Un graphique qui montre la note moyenne par jour des consommateurs sur une période donnée, et une comparaison par rapport aux concurrents dans une même zone.
2/ Marketer
Deliveroo donne désormais accès aux restaurants à une offre libre-service et un système de promotion, qui leur permet de mettre en place leur propre offre marketing pour les consommateurs sur l’application. Avec Marketer, Deliveroo entend donner plus de liberté aux restaurateurs, et une offre de promotions plus grande aux consommateurs.
Crédit photo © Mikael Buck
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