Journaliste, Sylvie Venzal a travaillé pour de grands quotidiens régionaux.
71 % des commerces diffusent de la musique dans leur établissement et ce pourcentage progresse sans cesse. Une hausse qui doit beaucoup à l’hôtellerie-restauration, un secteur déjà centré sur le goût et l’odorat et qui, désormais, via la musique et les couleurs, table aussi sur l’ouïe et la vue pour attirer et fidéliser sa clientèle.
Le croirez-vous ? On consomme d’abord avec les yeux…
Les couleurs ont une grande importance dans le ressenti que les clients auront à l’égard d’un établissement. C’est vrai pour la déco, bien sûr, cela l’est tout autant pour le contenu de l’assiette ou du verre. La perception des saveurs, traditionnellement associée aux papilles et à l’odorat, l’est aussi – et peut être en premier lieu – à la vue : on mange et on boit d’abord avec les yeux. L’Inra (Institut national de la recherche agronomique) s’est ainsi livré à une petite expérience. Les chercheurs ont demandé à des étudiants bordelais en œnologie de définir le vin rouge qu’ils venaient de goûter. Ils ont proposé les termes chicorée, prune, chocolat, tabac. Sauf que… Le breuvage en question était en fait un blanc coloré en rouge, qu’ils avaient testé auparavant dans sa couleur originale et dont l’arôme évoquait alors, selon eux, le miel, le citron, la paille… C’est que la vue met le système nerveux en alerte et le conduit à réagir avant même que le cerveau ait pu se livrer à la moindre analyse.
Tous les professionnels de l’alimentaire ont intégré, aujourd’hui, l’importance de la couleur des produits et savent que les teintes ocres ou rouges (celles des épices ou de la viande) ont tendance à aiguiser l’appétit. Contrairement au bleu (la nourriture bleue n’existe pas dans la nature.)
Mais ce n’est pas tout… Quand le consommateur se met à table ses oreilles aussi lui dictent son comportement.
La musique nous mène à la baguette
La relation entre les stimuli musicaux et le comportement des consommateurs a été mise en évidence depuis les années 1960. La musique est utilisée depuis longtemps en matière de marketing. La mise en œuvre de ce marketing sonore dans les restaurants présente de nombreux avantages selon une étude du professeur Assadi, spécialiste en stratégie et communication commerciale au Ceren (Centre de recherche sur les entreprises.)
Un fond musical, outre le simple agrément qu’il procure, crée un climat plus intime pour les convives en masquant les conversation des tables voisines ; la musique permet également de composer une atmosphère propre à chaque établissement, de motiver et déstresser le personnel.
Mais le procédé n’est pas si innocent. La musique peut, en effet, comme les couleurs, jouer des tours à notre inconscient et influencer notre comportement. Dans son ouvrage Psychologie du consommateur (*), Nicolas Gueguen, chercheur en sciences du comportement, cite notamment une étude de chercheurs américains et australiens qui montre que la diffusion de musique classique dans une boutique de vins a pour effet de voir le montant des achats des clients multiplié par deux et demi. Le nombre de bouteilles reste identique mais les consommateurs achètent des vins plus prestigieux. La musique semble ici associée à la notion de raffinement et de luxe.
Une autre étude, réalisée à l’initiative de la Sacem, en partenariat avec Mood Média (leader mondial de la musique de sonorisation dans les lieux de vente) et menée auprès de différents commerces, notamment des cafés et restaurants, démontre que 80 % des Français préfèrent les lieux publics où l’on diffuse de la musique. Quant aux employeurs des commerces étudiés, 76 % estiment que la musique est un élément essentiel de l’ambiance de leur établissement. 96 % des employés, quant à eux, estiment qu’elle les met de bonne humeur, 89 % disent qu’elle les motive .
En tirer le meilleur parti selon ses objectifs
Un premier constat, tout d’abord : sans musique, les clients restent moins longtemps au restaurant (étude Assadi). Un élément que les restaurateurs peuvent utiliser selon qu’ils désirent plus ou moins de rotation.
Le volume, le tempo et le style musical ont également un impact sur le comportement des consommateurs en terme de temps passé dans le lieu, de nombre de commandes et de montant de l’addition. Un volume élevé inciterait à partir plus vite, mais aussi à commander plus. Adaptez donc intensité et style de musique à l’image que vous souhaitez projeter.
Sachez aussi que le volume sonore influe sur le travail des employés. Trop fort, il nuit à la concentration, multiplie le risque d’erreur dans la prise de commande et peut générer irritabilité et agressivité. On considère moyen un volume de 72 décibels, élevé à partir de 88 db.
Les couleurs, on l’a vu, ont aussi une importance capitale, tant dans les assiettes que dans la déco. Chaque teinte peut influencer les perceptions et les comportements.
Les couleurs chaudes (notamment le rouge) sont réputées aiguiser l’appétit. Les principales enseignes de restauration rapide ne s’y sont pas trompées qui l’utilisent abondamment dans leur design. L’orange posséderait les mêmes qualités tout comme le jaune, chaleureux et douillet, ainsi que le vert. Les ocres, bruns et beiges, évoquent tradition et authenticité, ils sont parfaits dans un restaurant de terroir.
Le bleu, enfin, s’il n’est pas habituel dans notre alimentation est un incontournable de la déco. Apaisant, rassurant, c’est la couleur préférée d’une majorité de personnes dans le monde.
* Éditions Dunod, réédité en 2016
Commentaires
Pierre Sauvant
Merci pour cette article qui met en avant la valeur incontournable de l’ambiance musicale pour le restaurateur. Attention cependant au choix des playlists, à la qualité de diffusion et au volume sonore.