Consultante éditoriale, Sophie Lecomte aide les PME à attirer plus de clients et augmenter leurs revenus sur Internet.
Combien de stickers avez-vous sur la devanture de votre restaurant ?
TripAdvisor, LaFourchette, Zagat , Michelin (par année s’il-vous-plaît), CityVox, Gault et Millau, Petit Futé, Guide du Routard, Tickets Restaurants, label fait-maison ou titre de Maître restaurateur…
Si votre façade commence à ressembler à une tribune de football couverte aux couleurs des sponsors, rassurez-vous : vous n’êtes pas seul !
Pour guider le client dans ses choix de sorties au restaurant, les récompenses et les labels ne manquent pas.
Le dernier en date s’intitule « Ici, la Cuisine est dans la rue ».
Lancé par le CERVIA, il vise à « distinguer les comptoirs et camions cuisine proposant des plats fait maison, de qualité et de saison, valorisant les matières premières issues de la région Île-de-France« .
La démarche est louable et, certes, réservée aux cuisines « de rue », mais a-t-on vraiment besoin d’un label supplémentaire pour être certain de bien manger ?
Un petit air de déjà-vu
Si l’initiative est intéressante, il reste difficile d’oublier les échecs répétés de ce type de labels : le Fait Maison peine à convaincre malgré l’entrée en vigueur de sa nouvelle version. Du reste, qui réserve véritablement son dîner en fonction de la liste des Maîtres Restaurateurs ou Restaurants de qualité ?
Promouvoir les restaurateurs qui font l’effort de cuisiner avec des produits de saison (le grand oublié du fait maison…), de mettre à la carte des produits d’artisans fromagers, glaciers, boulangers ou chocolatiers, voilà le vrai défi.
Mais avec autant de labels qui vont jusqu’à perdre ou diviser les professionnels eux-mêmes, qui peut vraiment penser qu’un client va s’y retrouver?
Local ou national, cuisiné sur place, surgelé ou frais… tout ça sent un peu le réchauffé, sans résoudre les failles des labels précédents.
Faire de l’éducation du client une priorité
Soyons honnête : si, au restaurant, un consommateur mange des lasagnes surgelées, des tomates sans saveurs, des framboises en plein mois de février, qu’il paye pour cela le prix fort et revient de son plein gré, c’est son problème…C’est en tous cas peut-être ce que vous vous dites en observant le taux de remplissage des restaurants voisins n’ayant pas la même exigence de qualité, de goût et de respect du produit que la vôtre!
Finalement, ce trop-plein de labels ne fait que soulever un point crucial pour vous restaurateurs : celle de l’éducation gustative des clients. Leur éducation à la saison et au produit n’importe-t-elle pas plus qu’une 10ème mention ajoutée à votre carte ou qu’un énième autocollant apposé sur votre devanture, aussi joli soit-il ?
Et pourquoi ne pas prendre le problème à l’envers en imaginant un logo ou une mention obligatoire pour ceux qui ne font rien sur place ou qui ne cuisineraient pas à partir de produits de saison ? Cela fait grincer des dents, mais si valoriser la bonne cuisine sert indirectement à torpiller les mauvais élèves, l’approche pourrait avoir du sens.
Après tout, pourquoi imposer les contraintes et les labels à ceux qui font bien leur métier ?
Mieux qu’un label, une communication en toute transparence ?
La vraie question n’est-elle finalement pas de savoir ce qu’attendent vraiment les clients ? Outre le fait évident de se restaurer et de passer un agréable moment, les consommateurs aujourd’hui attendent de la transparence ! Pour preuve :
- La tendance aux cuisines ouvertes, qui offrent une vitrine sur l’arrière-cour et envoient par la même occasion le message « ici, nous n’avons rien à cacher » !
- L’intégration des réseaux sociaux aux stratégies marketing des restaurants. Ces formidables outils de communication permettent la mise en valeur, en toute transparence, des produits et des préparations culinaires, des équipes et des fournisseurs, mais aussi des clients…En plus de permettre une communication transparente, les réseaux sociaux sont ouverts et participatifs, ce qui correspond à la demande des consommateurs.
- Le lancement récent d’une carte interactive par le Ministère de l’Agriculture, qui permet aux consommateurs de vérifier le niveau d’hygiène et de propreté des restaurants parisiens. Nul doute que cette initiative, déjà en place en Belgique, recevra un excellent accueil du public et transformera, sur le long terme, nos habitudes de consommation et la façon de travailler et de communiquer des restaurateurs.
Si l’intérêt de ces labels est de rassurer le consommateur sur ses choix, ne pensez-vous pas alors que ces marques de transparence soient plus efficaces et plus crédibles aux yeux du grand public ?
Et pendant que nous parlons transparence, il serait aussi judicieux de communiquer auprès du grand public sur la façon dont ces labels, titres et autres récompenses sont obtenus et sur le niveau de contrôle dont ils font l’objet.
La démarche « Restaurants de Qualité » a par exemple été lancée par le Collège Culinaire de France, une association à but non lucratif qui compte 15 grands chefs étoilés français comme Alain Ducasse, Thierry Marx ou encore Joël Robuchon.
L’objectif : valoriser le patrimoine culinaire artisanal français, et, notamment les 20% de restaurants où le produit brut est encore transformé et où la tradition culinaire continue de se transmettre…
A l’occasion d’une interview sur BFM TV, Alain Dutournier, chef étoilé et membre du Collège Culinaire de France, précisait que « 60 à 70% des restaurants français achètent des produits issus de l’industrie agro-alimentaire, c’est à dire ceux dont on ne maîtrise absolument rien, et qui sont reconditionnés par des pseudos cuisiniers pour économiser de la main d’oeuvre« . Le débat vaut la peine d’être lancé, c’est certain…Mais on est en droit de s’interroger sur la cohérence du discours lorsque l’on sait que certains de ces chefs étoilés n’hésitent pas à prêter leur image à des marques agro-alimentaires, poussant ainsi le grand public à acheter et à consommer des produits manufacturés.
Si le débat soulevé par le trop-plein de labels est bien celui de la transparence, ne devrait-il pas alors dépasser le « simple » contenu de nos assiettes ? Les réseaux sociaux ne sont-ils finalement pas une réponse, simple et accessible, à ce besoin de transparence ? Qu’en pensez-vous ?
Photo de couverture : Crèmerie Restaurant Polidor
Commentaires