Journaliste, Sylvie Venzal a travaillé pour de grands quotidiens régionaux.
On a tous pris en photo, un jour, le gâteau d’anniversaire de mamie, la paella de papa ou le plateau de fruits de mer du réveillon. C’était l’image des chaleureux repas de famille de l’enfance.
Internet est passé par là et a propulsé la photographie culinaire dans la cour des grands.
Nouvel avatar de la révolution numérique, le foodporn, comme son nom le laisse deviner, est un peu comme l’enfant naturel de l’exhibitionnisme et du voyeurisme gastronomique.
Des chiffres à donner le tournis
RestoConnection avait déjà consacré un article à cette pratique, qui surfe sur le succès des émissions TV consacrées à la cuisine. Nous avons voulu faire le point sur une tendance virale qui ne semble pas près de s’essouffler. Les chiffres parlent d’eux mêmes. Quelque 93 millions de photos se revendiquant « foodporn » ont été publiées sur Instagram depuis 2010. La moitié des contenus sur Pinterest y sont liés et le site Urwhatupost (Foodpornindex), spécialiste des données du secteur, estime que plus de 180 millions de hashtags sur Twitter et Instagram concernent la nourriture. Cette gourmandise virtuelle n’a, bien sûr, pas échappé aux géants du web, pas plus qu’à certains dénicheurs de tendances, qui se sont engouffrés dans la brèche.
Foodporn, Photoworld, Tasty… Et les autres
Depuis 1999, le blog américain Foodporn affiche la couleur avec son sous-titre gentiment provocateur « redirecting perverts to the refrigerator. » Il propose articles, interviews et photos culinaires.
Food reporter, quant à lui, est un réseau social français créé en 2010. Il permet de poster des photos de plats que l’on déguste puis d’y ajouter un avis après les avoir goûtés.
Le site Photoworld a développé une carte interactive des capitales mondiales du foodporn. On y apprend ainsi, que c’est à Bangkok et Séoul que le très parisien macaron est le plus photographié. De même s’agissant de la pizza pour laquelle New York l’emporte sur l’Italie.
Un brin gâte-sauce, Google prépare une application (Lm2Calories, toujours en développement) qui pourra identifier les aliments sur une photo et estimer leur « poids » en calories.
Le colosse américain BuzzFeed, a lancé, par le truchement du géant Facebook, une chaîne baptisée Tasty, qui revendique à ce jour quelque 69 millions de « like » et représente à elle seule plus de la moitié des vidéos vues sur le réseau social (deux milliards pour le seul mois d’avril dernier.)
Enfin, toujours à l’affût du meilleur buzz possible, le mastodonte de l’ameublement suédois, Ikea, a décidé de se moquer du foodporn dans une publicité délicieusement Grand Siècle.
Foodporn : les restaurateurs s’y mettent
Inutile de le nier, le phénomène foodporn a d’abord prodigieusement irrité les professionnels. Qui ne se souvient du coup de sang, il y a quelques années, d’Alexandre Gauthier, de La Grenouillère, qui s’agaçait : « On n’arrive pas à déconnecter les gens… On tweete, on like, on commente, on répond. Et le plat est froid. »
Les avis, aujourd’hui, sont plus nuancés et certains, conscients du prodigieux outil marketing que représente le foodporn, n’hésitent plus à s’en servir à leur profit. Ainsi Paul Bocuse utilise t-il le hashtag sur son profil Instagram. Sur Twitter, la chef américaine Alex Guarnashelli, s’est entourée de 17 pros de la gastronomie pour animer #FoodFlock.
Une étude publiée dans la revue Journal of Consumer Marketing tend à établir que prendre les plats en photo avant de les manger augmente la sensation de plaisir. Alors pourquoi prendre ombrage d’une activité qui, somme toute, ouvre l’appétit ?
Sautez-donc le pas. Accompagnez la tendance en soignant la luminosité de votre établissement et en rendant la présentation de vos plats sans cesse plus irrésistible. Le foodporn sera, pour vous, restaurateurs une inestimable vitrine et la source de nouveaux clients potentiels.
Commentaires